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vendredi 15 avril 2011

Back To Amnéville

Je ne commencerai pas par m'excuser de ne rien avoir écrit sur ce blog pendant plus de quatre mois.

Je ne commencerai pas en éditant la liste de tous les évènements qui m'ont empêché d'écrire quoi que ce soit sur ce blog depuis plus de quatre mois.

Je ne jouerai pas non plus la carte de la franchise et de la transparence, en avouant par exemple que c'est par pure flemmardise que je n'ai rien écrit sur ce blog depuis plus de quatre mois.

Enfin, je ne promettrai pas de ne plus recommencer, et de m'atteler au travail tous les jours: ce serait pure folie, je me connais trop bien.

Ce qui me motive à rouvrir cette page, c'est que j'ai rencontré deux personnes hier soir, qui m'ont demandé de la rouvrir, tout simplement. Ça a clairement flatté mon égo, et cela me semble une motivation tout à fait correcte pour baragouiner quelques lignes: je sais désormais que cela intéressera au moins deux personnes, c'est un bon début.

Six mois après l'étape du World Poker Tour qui a vu le couronnement de Sam El Sayed ici-même, me voici de retour au Seven Casino d'Amnéville, pour un événement d'un tout autre genre (avant de poursuivre, je me dois de prévenir les lecteurs non-avertis que le mot « club » se répète d'une façon scandaleuse dans les phrases qui suivent) : la finale du Championnat Nationale Individuel des Clubs, organisée par le Club des Clubs, en partenariat avec Everest Poker. 400 joueurs, de purs passionnés, ont passé l'année 2010 à se qualifier pour cette finale, sous le principe d'un championnat: tous les Clubs affiliés au Club Des Clubs ont dépêché leurs meilleurs joueurs pour défendre leurs couleurs pendant ces trois jours de fête du poker amateur.

Et c'est rafraichissant.

Pour être honnête, lorsque j'ai su que j'allais couvrir cette finale CNIC avec Hugues, je me suis dit un truc du genre: « C'est le pur bad beat du couvreur, trois jours à couvrir un tournoi de randoms, bonne pêche. »

Il m'a suffi d'une soirée pour changer d'avis: j'ai passé une partie de la soirée d'hier avec les responsables du Club De Clubs, et j'ai retrouvé exactement ce qui m'avait fait adhérer au forum Pokeralille il y a quelques siècles: l'amour inconditionnel pour ce jeu, ce qui nous fait tous avancer, ce que j'ai précisément en partie perdu après trois ans de coverages dans le milieu pro.

La matinée que je viens de passer dans la hall d'accueil du Seven Casino m'a définitivement convaincu: ces trois jours vont vraiment être la fête du poker amateur dans sa plus belle expression: passionnée, viscérale, et (presque) désintéressée... Pour certains, ce week-end ressemblera à ce qui se rapproche le plus d'un aboutissement: le vainqueur du tournoi final du CNIC repartira plus riche de 1,400€, et décrochera également un package pour aller jouer le main event des WSOP à Las Vegas cet été, ce qui est toujours mieux qu'une baffe dans la gueule. De quoi en faire rêver plus d'un.

Cerise sur le gateau: j'ai retrouvé les copains de Pokeralille. Zebulon, Vbrygo et Franckcart jouent la finale CNIC, et Maverick assure le coverage... et ça fait vraiment du bien de revoir tout ce monde, cela me renvoie directement cinq ans en arrière, lorsque j'habitais rue Victor Hugo à Roubaix, et que le salon et la cuisine de ma petite maison raisonnaient au rythme des relances et des tapis, orchestrées par la vingtaine de joueurs entassés autour des trois tables de poker ouvertes tous les vendredis soirs... On commençait par un tournoi « double chance », les sortants ouvraient ensuite une table de « dealer's choice » à (très) faible buy-in, histoire de se familiariser à autre chose qu'au hold'em, et surtout de gambler un peu sans y perdre sa quinzaine.

Le temps des passionnés, des « chattard! » hurlés d'un côté à l'autre de la salle, des « poulquoi tou limpes? » lancé par BrotherBosco, le Suédois de service avec son accent inimitable, des plats de pâtes à 5 heures du mat' alors que les plus vaillants finissaient la soirée par un tournoi de coin-flips à un euro le coup, des soirées « poker-paëlla », du Barbecue Poker Tour, des soirées de poker de Manu-Laraigne, des welches qu'on dévorait à 6 heures du matin à la Chicorée, le seul restaurant ouvert 24/24 à Lille...

C'est cette ambiance-là, ces souvenirs-là, qui font que le poker est ce qu'il est, pas à la télé, pas sous les spotlights, mais dans le salon de Jojo, la cave de Pierrot, ou ici-même, à la finale du Championnat National Individuel des Clubs.

mercredi 26 janvier 2011

Les Trophées Des Couvreurs 2010

Quand six journalistes poker se réunissent autour de l'apéro pour fêter la nouvelle annéee, c'est l'occasion parfaite - entre le champagne et les amuse-gueule - de faire un petit bilan sans prétention de celle qui vient de s'achever, sous forme d'une petite remise de trophées tout à fait non-officielle. Pas de prise de tête, on limite les catégories au minimum, pas de vote à la con non plus, chacun écrit ce qu'il veut, comme il veut, voici donc les premiers Trophées des Couvreurs, en même temps que démarre un nouveau blog collectif dont, bien entendu, on a absolument aucune idée de ce qu'on va en faire.

Un tournoi



Emmanuel "Maanu" Vanglabeke (River Tells) : Honnêtement, je sais pas trop. Par défaut, je dirais le World Poker Tour Marrakech. Première fois que j'étais sur un tournoi sans faire de reportage en direct, et j'ai donc pu profiter de plein d'autres choses au lieu de perdre mon temps à raconter que As-Roi a battu une paire de Dames. Première « vraie » interview aussi avec Liz Lieu. Un peu de détente.

Julien "Jooles" Gaignard (Freelance) : Si l’on retire les WSOP qui sont tout simplement hors catégorie, je dirais que mon tournoi préféré est le Main Event du Partouche Poker Tour. C’est le seul événement (hormis les WSOP) qui regroupe autant de joueurs d’un tel niveau. En plus de tout le gratin français, on retrouve aussi de nombreux étrangers. L’édition de cette année a vu notamment Phil Ivey et Tom Dwan s’asseoir aux tables. De plus le cadre est magnifique et l’accueil fait à la presse est toujours excellent. Après chaque tournoi est unique et offre son lot de bons moments.

Kevin "Harper" Noblat (Winamax) : L’Euro City Poker Tour à Barcelone. 2,750 euros l’entrée, 291 joueurs, et la victoire finale de Fabrice Bachellez. Un vrai rêve. Non, je déconne, c’était naze. Le circuit que j’ai adoré couvrir fut le France Poker Tour. C’est très enrichissant de se retrouver auprès des amateurs. Avant de rejoindre le « circuit », j’étais un joueur de club, et plutôt du genre actif : je faisais en effet partie du conseil d’administration de Poker@Lyon. Retrouver ces joueurs amateurs est un vrai bonheur qui nous permet de nous souvenir pourquoi on fait ce boulot : afin de faire découvrir ce formidable jeu qu’est le poker (et parce que c’est pas trop chiant et plutôt bien payé, aussi). La finale fut également appréciable : je suis parti à la rencontre de dizaines de membres de Wam-Poker, une communauté que je connaissais bien moins que Club Poker jusqu’à maintenant. J’y ai rencontré de vraies personnalités. Le face à face final entre Valentin Messina (futur vainqueur) et Freddy Deeb fut également un régal. Avec Benjo, nous nous sommes livrés à un exercice particulier : raconter toutes les mains, sans exception ! Le résultat fut probant et le sentiment du devoir accompli au rendez-vous.

Julien "Kinshu" Bochereau (Club Poker) : J'ai apprécie le Winamax Poker Open qui s'est déroulé à Dublin en septembre. L'ambiance générale était top, la bière a coulé à flots, et en plus c'était du 6-handed. Je me suis bien amusé avec mes petits camarades (Benjo et Harper), même lors de la table finale, qui était pourtant interminable (on s'est couché vers 8h du matin je crois).

Benjamin « Benjo » Gallen (Winamax) : Au milieu des tournois oubliables (de plus en plus nombreux avec le temps qui passe, lassitude aidant – sans vouloir apparaître blasé), je retiens l'European Poker Tour à Deauville, très très fun avec tous les livetards qu'au fond, on affectionne car ils nous donnent des expressions cultes et des mains dont on reparle encore un an plus tard, surtout quand est assez chanceux pour les capturer en vidéo. Un régal, impossible de s'ennuyer, on court toute la journée, les infos pleuvent, et vu le nombre de potes présents on est quasi assuré d'en voir au moins un faire un deep run. Le Winamax Poker Open était un bonheur, avec de nombreux joueurs amateurs ou semi-pros (beaucoup moins prise de tête que les « vrais » pros) Après, il faut citer le Main Event du Partouche Poker Tour à Cannes. Cette édition à eu son lot de problèmes, mais il faut tirer un coup de chapeau au groupe Partouche pour avoir construit en seulement trois ans un tournoi d'envergure internationale, l'un des dix plus gros de l'année, que personne ne veut rater, même les Ivey, Mizrachi et Dwan, et ce en s'aidant uniquement d'eux-mêmes, sans satellites online (la clé du succès de l'EPT, par exemple), juste avec leur réseau de casinos (très fourni il est vrai). Ils partaient de loin, et ils ont réussi presque immédiatement. Enfin, il y a bien sur les WSOP, qui restent à part, de part leur ancienneté, leur prestige, toutes les variantes proposées. Pendant six semaines chaque année, Las Vegas et ses WSOP sont le centre de la planète poker, et le jour où j'en aurai terminé avec le poker, je crois que cela sera le seul festival à me manquer.

Steven "Bensimon" Liardeaux (MadeInPoker) : On est d'accord que les WSOP à Vegas, c'est quelque chose à part, n'est-ce pas ? Bon alors dans ce cas, je retiendrais le Chilipoker Deepstack à Marrakech, disputé en novembre. Pour la simple et bonne raison que pour un buy-in assez modeste (500€), l'ambiance y était vraiment différente, beaucoup plus détente, plus cool finalement... et... et... nos deux superstars reporters ont été loin ! Quel bonheur d'assister au magnifique parcours de Ronan "Roroflush" et Kévin "Harper" Noblat, qui ont tous les deux atteint la table finale. Je pense que je n'arriverai pas à oublier cette anecdote : au dinner break, au buffet, je me retrouve à la table d'Harper, nous discutons de son tournoi, et il m'annonce alors être tombé à 25 000 (sur un tapis de base de 50 000). Cinq heures plus tard, à la fin de la journée, je le recroise dans le casino : "alors Harper, tu finis ta journée à combien?" "500 000 ! " "Ah ah la bonne blague! non mais sérieux ?" "500 000, crois moi !" Je savais que la journée du lendemain allait vraiment être palpitante, je n'ai pas été déçu...

Un voyage

Oui, parce que nous couvreurs, on aime bien aussi sortir du casino quand c'est possible, et découvrir des trucs chouettes.

Emmanuel Vanglabeke : Las Vegas pendant les World Series of Poker. Pour la première fois j'ai – et me suis donné – le temps de faire autre chose que couvrir. Et j'adore cette ville.


Julien Gaignard : Je ne vais pas être très créatif sur ce coup-là. La meilleure destination est sans nul doute Las Vegas. C’est l’endroit où l’on passe le plus de temps dans l’année et où l’on a vraiment l’occasion de faire autre chose en dehors du tournoi. Car on voyage souvent mais on a jamais de moments libres pour visiter le pays où l’on se trouve. Vegas est l’exception. Et pour ne rien gâcher c’est là que l’on passe les plus belles soirées. Ensuite juste derrière l’endroit que j’ai préféré, même si le temps n’était pas terrible, c’est les Bahamas. Le soleil et la chaleur au mois de janvier il y a rien de mieux.

Kevin Noblat : Pour faire original, Las Vegas. A peine le cap des 21 ans franchi (c’est tout juste l’âge légal pour jouer et boire aux Etats-Unis !), j’ai pu me rendre à La Mecque des joueurs de poker. Aussitôt arrivé, j’ai passé une soirée énorme avec Alexonmoon, Solody et Seb Sabic. C’était tout ce que j’avais imaginé : la démesure et la folie. Je vous invite à relire l’article que j’avais écrit à mon arrivée. Par la suite, les deux mois ont filé à toute allure. Et je n’ai déjà plus qu’une envie : être en mai pour y retourner.

Julien Bochereau : Cette année, j'ai bien aimé la station de Golden Sands, en Bulgarie, où se déroulait un Unibet Open. Un open bar sur la plage qui finit en boîte, puis en after dans une cabane où on s'est bien cagoulés. Une station balnéaire mixée à un parc d'attraction, et en plus les brokes étaient les bienvenus, avec la pinte à deux euros et la pizza à cinq. J'adore !

Benjamin Gallen : Je n'ai pas eu l'occasion de visiter beaucoup de nouvelles destinations grâce au poker cette année. Je suis surtout revenu aux mêmes endroits, certains que j'adore comme San Remo (pour bouffer) ou Prague, d'autres qui sont faussement bien (à mon goût), comme Monte Carlo ou les Bahamas. J'ai été pour la première fois à Berlin, mais on a jamais eu le temps de sortir. Tallin (Estonie) était superbe, mais j'ai fait la gueule car j'ai sauté comme une merde de mon premier EPT en tant que joueur. Au final, je vais être obligé de dire Las Vegas. J'ai une relation ambivalente haine/amour avec cette ville que j'ai visité quinze fois et qui incarne tellement de choses maléfiques (n'ayons pas peur des mots) mais il y aussi suffisamment de choses que j'y aime pour que je ne puisse m'en lasser : tous les potes sont là, et on peut bouffer, danser, jouer, baiser, se droguer 24 heures sur 24h. Et puis c'est là qu'on trouve le In-N-Out, bordel.

Steven Liardeaux : La question ne se pose même pas, l'Award revient immédiatement à Sin City ! Vivre 5 semaines dans la cité du jeu, croiser tous les jours Phil Ivey, Daniel Negreanu, Tom Dwan ou encore Jason Mercier, et découvrir un monde de la nuit complètement inédit, seul Vegas peut offrir ça. Certes il faisait 45°C dehors et 15° à l'intérieur, c'était difficile de ne pas tomber malade. Certes, on bossait comme des chiens de midi à minuit tous les jours... mais quel pied mes amis, quel pied ! Pour rien au monde je ne voudrais manquer cette destination à l'avenir...

Un joueur

Votre coup de coeur de l'année, qui ne doit pas forcément être un joueur ayant gagné tous les tournois qu'ils a joués, mais plutôt quelqu'un qui vous a plu un peu plus que les autres.

Emmanuel Vanglabeke : Ronan « Roroflush » Monfort, parce qu'il symbolise un peu ce que je croyais pouvoir faire quand j'ai commencé ce métier il y a quelques années, passer de couvreur à joueur. Même si ce n'est que le début pour lui, il me fait rêver.

Julien Gaignard : Je ne peux pas dire si j’ai vraiment un joueur préféré. C’est plus des affinités avec certains. Je dois avouer que j’ai un plaisir particulier à voir perfer des joueurs comme Arnaud Mattern, Nicolas Levi, Philippe Ktorza,Thomas Bichon ou Jean-Paul Pasqualini, car au-delà du joueur de poker j’apprécie particulièrement les hommes qu’ils sont. Après comment ne pas citer Phil Ivey que j’ai eu le privilège d’interviewer et surtout de voir remporter son huitième bracelet WSOP cet été. Cet homme est vraiment une machine. Au niveau international, il y a deux joueurs qui m’ont vraiment marqué par leur niveau de jeu cette année, et étrangement (ou pas) ces deux hommes sont danois. Il s’agit de Theo Jorgensen, vainqueur du WPT Paris et auteur d’un deep run dans le Main Event des WSOP et Allan Baekke qui a remporté l’EPT Snowfest et qui a bien failli réaliser le doublé et le back to back à l’EPT San Remo. Sinon après j’apprécie énormément de joueurs sur le circuit qu’ils soient ou non connus.


Kevin Noblat : Mon joueur de l’année 2010 est Cyril « DonLimit » André. Certes, parmi ses potes, Alex Luneau ou encore Rui Cao ont fait de plus impressionnants swings en cash-games. Certes, Nico Levi ou Marc Inizan ont plus gagné en tournoi. Mais par son désir de progresser, sa permanente remise en question et des résultats probants, Cyril est celui qui m’a le plus impressionné. Au printemps dernier, nous nous étions rendus chez DonLimit et Alexonmoon avec Guignol et Furax, histoire de passer un week-end londonien. Je me souviens que c’est alors Cyril qui posait les questions à Guignol, mais, déjà, il commençait à bousculer les théories, imposant ses propres concepts. Quelques mois plus tard, Cyril a pris plusieurs centaines de milliers de dollars sur les tables de cash-game en ligne, et autant en tournoi, atteignant notamment les finales du France Poker Tour et du Partouche Poker Tour, mais remportant aussi une belle victoire à l’occasion de l’Evian Poker Open. A côté de ça, Cyril reste humble et plongé dans son jeu. On boit toujours autant de bières et on continue d’aller au stade pour mater des matches. C’est tout ce qu’on aime, et j’espère que l’ami « Don » fera au moins aussi bien en 2011.

Julien Bochereau : Arnaud Mattern. Il sait bien relater les coups qu'il a joué et en plus il envoie directement des SMS pour les raconter quand on était pas devant la table ! J'adore également Arnaud car il joue très bien et que c'est le joueur pro auquel je m'identifie le plus (au niveau du style de jeu). C'est accessoirement un bon pote et un excellent camarade dans les soirées degens.

Benjamin Gallen : J'aime bien charrier les pros (dans leur dos de temps en temps mais le plus souvent en face), mais il y en a quand même pas mal que j'apprécie beaucoup (heureusement), et il y a autant dont les performances m'ont impressionné cette année (Tom Dwan, Michael Mizrachi, Vanessa Selbst, Cyril André et Alex Luneau pour la France, entre autres...) Mais en fait, j'ai bien envie de voter pour Vikash Dhorasoo, juste histoire de faire le malin. Vikash, c'est pas un pro, c'est pas le mec qui a le plus gagné cette année, c'est pas le mec qui joue le mieux, et c'est même pas le mec le plus enthousiaste vis à vis du poker. Mais ça fait partie de son charme, et derrière la provoc' qu'il a depuis toujours se cache quelqu'un de bien, généreux, bon vivant, qui dit ce qu'il pense, quitte à se planter, au moins il a pris le risque. Et en ce qui concerne le poker, c'est un joueur gagnant, tout de même. Je ne sais pas s'il pourrait être pro (il n'en aura jamais envie, de toute façon), mais sa balance est positive, en tournoi comme en cash-game, en live comme online. J'aime bien l'observer, hilare, en train de rendre fou les meilleurs « regs » de Winamax autour des plus grosses tables du site, avant de remporter la finale du Barrière Poker Tour l'air de rien, les mains dans les poches, pour ensuite publier un article sur le blog du Team Winamax expliquant que finalement, un joueur de poker est quelqu'un de très seul, dont le triomphe est difficilement partageable avec autrui. Une opinion qui allait à coup faire débat et lui attirer des critiques, mais il s'en fout Vikash, car il sait qu'au fond, tout cela n'est pas très sérieux, et c'est bien de le rappeler de temps en temps, avant d'entamer une nouvelle partie de cartes.

Steven Liardeaux : C'est dur, très dur de choisir UN joueur ! J'en ai découvert des dizaines cette année... mais allez, puisqu'il faut se mouiller, je dirais... Vanessa Hellbuyck ! Pourquoi ? Parce que le ladies qu'elle a remporté, était tout simplement le premier tournoi que je couvrais pour Madeinpoker à Vegas, parce qu'elle a incarné à elle seule le rêve américain, parce que la foule en délire dans les tribunes, c'était juste l'un des meilleurs moment de cet été, parce que j'ai presque jamais été aussi fier de chanter la main sur le coeur la Marseillaise devant un parterre d'américain sur le cul ! Pour toutes ces raisons, Vanessa est ma number one.

Une photo



Emmanuel Vanglabeke : Il y en a plein, mais j'ai une tendresse particulière pour celle-ci, shootée par Jules Pochy lors de la table finale du $3,000 triple chance des WSOP, alors que Guillaume venait de remporter un pot. Il kiffe, et ça se voit, j'aime.



Julien Gaignard : C’est très dur de sélectionner une seule photo, il y en a eu tellement de prises... C’est un peu comme si on demandait aux photographes de l’Equipe de choisir une photo unique. Mais bon, on va essayer quand même. En poker pur je choisirais une des dernières photos de l’année prise par Kinshu ou Tapis_Volant (je ne sais plus) lors de l’EPT Prague. Il s’agit de celle du vainqueur de l’épreuve, Roberto Romanello. Alors que généralement les vainqueurs de gros tournois sont contents mais sans plus, voir Romanello en larmes au moment de soulever le trophée a été particulièrement émouvant. J'ajouterais aussi la photo de Phil Ivey lors de sa victoire à Vegas cet été sur le 3 000 $ H.O.R.S.E. Juste pour le plaisir d’avoir assisté à l’événement. Sinon il y aussi toutes les photos des «coulisses» des coverage avec une préférence pour celles prises avec Sara Underwood avec Roro et Harper.



Kevin Noblat : Une photo signée Jaybee lors de son coverage OFF du PPT Cannes. C’est parfait, tout simplement. N’oublions pas non plus ce chef d’œuvre : cette jeune demoiselle (j’ai appris plus tard qu’il s’agissait de Sara Underwood, playmate de l’année 2007) avait insisté pour poser à mes côtés [ND Benjo : qui y croit ?]. J’ai gentiment accepté. Enfin, j’ai trouvé sympa de voir Jean-Paul Pasqualini observer le sacre de Vanessa Selbst au Partouche Poker Tour depuis mon ordinateur, lui qui était alors tenant du titre.



Julien Bochereau : Phil Ivey, saisi par Jaybee à Montecarlo. Cette photo a fait le tour du monde ! No comment.




Benjamin Gallen : C'est Paco, l'un des excellents caméramans de Winamax, qui a pris cette photo à l'intérieur de l'Amazon Room, le point névralgique des World Series of Poker. Il est parfait, ce cliché. La composition géométrique, avec d'un côté le banc de presse et, au second plan (séparé par la barrière, loin mais en même temps proche), des joueurs qu'on imagine très nombreux. Les couvreurs, eux, ont les sent occupés, il ne faut pas les déranger, ils sont au milieu de quelque chose d'important, avec cette rangée d'ordinateurs, ce bordel de câbles, d'objectifs d'appareils photos, de bouteilles, de sacoches, et Harper tapant en silence avec le casque sur les oreilles, l'air serein, appliqué, en train de faire un travail propre. Le casque, il est indispensable pour qui est appelé à passer cinquante jours chaque été dans cette salle, et quand je contemple cette photo, je suis transporté à l'intérieur et je peux entendre sans effort le bruit des centaines de milliers de jetons qui s'entrechoquent autour des 200 et quelques tables. La bande son de mes étés depuis cinq ans.



Steven Liardeaux : Bonjour le casse tête... Des photos, j'en ai vu des milliers cette année (c'est ça de travailler aux côtés du meilleur photographe français, Jules Pochy). Alors en choisir une seule me parait très très compliqué ! J'ai tout de même décidé de retenir celle de Jack Ury, ce monsieur très vieux, 96 ans, que j'ai trouvé par pur hasard au beau milieu des 7 000 joueurs du Main Event des WSOP. Symbole de longévité, Jack Ury fait la nique à tous les jeunes grinders, avec son jeu à l'ancienne, et sa façon de slowroll gentiment ses adversaires à la table. Un monsieur ! Il est encore temps de lui rendre hommage, alors j'en profite.

Un bad-beat

Emmanuel Vanglabeke : Le WPT Amnéville, incontestablement. Connexion Internet difficile, relation presse-casino détestables, impossible d'obtenir un chip-count officiel quotidien si on ne le fait pas soi-même... même si au final je n'en garde pas un si mauvais souvenir que ça, ce tournoi a rassemblé l'ensemble des bad-beats que peut connaître un couvreur.

Julien Gaignard : Il y en a eu quelques-uns cette année des bad beats. En ce qui concerne le tournoi le plus long je dirais sans hésiter l’Open d’Evian en Octobre 2009 (ça compte pour la saison 2010, non ?). Le tournoi se déroulait sur deux jours, et le Day 2 a commencé à 12h ou 13h (je ne sais plus) pour se terminer à 8h30 le lendemain. Je me rappelle d’Harper s’endormant sur sa chaise, c’était assez fun. N’empêche heureusement qu’au final c’est Guignol qui s’impose sinon on aurait vraiment assisté au bad beat ultime. Sinon je ne vois pas vraiment de moment horrible. Il y a bien eu la finale de l’EPT Prague qui avait été longue mais sinon pas vraiment de tournois où j’ai pensé à me pendre. Après concernant les à-côtés c’est autre chose. Dans ce cas je suis obligé de parler d’Amnéville (je pense d’ailleurs que je ne serais pas le seul) : où comment organiser le plus gros WPT n’ayant jamais eu lieu sur le sol européen dans le pire endroit du monde. En gros là-bas si tu sautes du tournoi, t’es mort. Il n’y a absolument rien à faire. Le casino est situé au milieu d’une zone d’activités perdu entre un McDo et un cinéma. Ah si je suis mauvaise langue il y a la discothèque le Stardust, la boîte de nuit des + de 25 ans. Si je vous jure c’est un concept qu’ils ont inventé... Je crois que c’est la première fois où nous ne sommes pas sortis une seule fois et où nous étions ravis de rentrer chez nous.

Kevin Noblat : Ha ha. Ha ha ha, ha ha. Désolé, c’est nerveux. Rien que d’y repenser, ça me fout des frissons. Novembre. World Poker Tour. Amnéville. Oh putain, c’est dit. Ce tournoi fut un véritable enfer. Arrivé avec Stéphane Matheu, nous souhaitons louer une voiture, notre hôtel se trouvant à quinze minutes du lieu du tournoi. C’est alors que nous nous sommes comme perdus au milieu d’un épisode de Confessions intimes : entourés d’incapables toute la semaine, la vie hors tournoi fut un véritable enfer. Fort heureusement, la presse fut bien reçue et la connexion internet de qualité. L’épisode malheureux de la bulle a néanmoins achevé notre peu de motivation restant. Pas sûr qu’on y revoit un couvreur en 2011.


Julien Bochereau : J'ai l'embarras du choix pour cette catégorie. Histoire de changer un peu des banales anecdotes concernant des soirées trop arrosées, j'ai envie de sélectionner l'incident qui a eu lieu à Amnéville. Sans rentrer dans les détails, le staff a mal fait son boulot au moment de la bulle. On a été plusieurs à en parler. Mais le lendemain, j'ai subi des menaces assez ridicules et pas vraiment fondées. Bref, cette journée a été assez cauchemardesque pour moi, mais j'ai survécu au final !

Benjamin Gallen : C'est marrant que tous ceux qui se sont rendus au WPT d'Amnéville ont choisi cette épreuve comme majeur bad-beat de l'année. Moi, j'ai réussi à y échapper, et l'unanimité de mes confrères dans leur choix me fait pousser un soupir de soulagement. Concernant mes bad-beats à moi, je n'ai que l'embarras du choix. Je me suis cassé le doigt au cours de ma première descente des pistes lors du Snowfest, garantissant que le reste de la semaine allait être bien moisie. J'ai commenté un braquage en direct à Berlin. J'ai tenté d'avoir une relation avec une joueuse de poker. J'ai loupé des tas d'avions, de façons de plus en plus con, depuis celui manqué à Roissy parce que j'étais plongé dans un livre (que j'avais déjà lu en plus), en passant par Dublin où moi et Harper avions simultanément éteint nos réveils respectifs après une heure de sommeil à peine, jusqu'à Prague, le pompon ultime où, tenez vous bien, j'ai réussi à ne pas embarquer un avion qui avait six heures de retard, et oui, j'étais bien arrivé avec les deux heures d'avance sur l'horaire recommandées au voyageur débutant que je ne suis pourtant plus. Dans tout ça, c'est plus ma propre connerie qui est à mettre en cause, alors je vais sélectionner la finale du Partouche Poker Tour. J'ai débarqué à Cannes en ayant littéralement pas dormi depuis 72 heures, étant rentré de vacances la veille après un vol de huit heures inconfortable, avec derrière une autre nuit blanche. Je crois en cette loi de Murphy qui fait que bizarrement, c'est toujours au pire moment que nous tombe dessus LA grosse histoire, celle qui va nous tenir occupé un temps maximum. Et à Cannes, ça n'a pas manqué : à six heures, alors que je songeais déjà avec délice aux quinze heures de sommeil qui m'attendaient, mon téléphone sonne : un des finalistes venait d'être exclu après de lourdes suspicions de triches. Un scandale dont il fallait évidemment parler : je suis resté debout jusque quatre heures du matin. Et après j'ai dormi, quand même.

Steven Liardeaux : Je n'ai pas eu beaucoup de bad beats cette année. Lucky me, je n'ai pas couvert le WPT à Amnéville... Mais à contrario, j'ai du aller couvrir l'Unibet Open à Londres. Pourtant, on m'avait vendu du rêve sur ces Unibet : "Ouais, tu verras c'est un tournoi sympa l'Unibet, les soirées sont au top, etc". Au final, je me suis retrouvé là bas sans Harper, sans Benjo, sans Kinshu, sans Jooles, sans Maanu... J'ai reconnu Ludovic Lacay comme Français au Day1A (et il a bust juste après le dinner break, FML) et la soirée annoncée comme exceptionnelle s'est révélée être une bonne cagoule, comme on dit. Ajoutez à celà qu'il faisait -2°C, que trois jours plus tôt, je me dorais encore la pilule à Marrakech, et qu'à mon retour j'ai cru mourir lorsque l'avion s'est posé sur une piste d'atterrissage parisienne complètement enneigé.... et vous avez la recette garantie pour un bad beat monstrueux de trois jours. Je n'ai jamais couru aussi vite avec ma valise pour fuir ce tournoi.

Un article

Un peu d'auto-promo !... pour un article à soi qu'on a particulièrement aimé écrire et publier.

Emmanuel Vanglabeke : « Feed Your Wild Side » sur mon blog perso. Même s'il n'est pas parfait, j'aime bien cet article car je me souviens parfaitement de l'état d'esprit dans lequel je l'ai écrit, et j'ai vraiment adoré tout ce que je raconte dans ce billet.

Julien Gaignard : Bon, si c’est le moment de brag on va essayer de trouver quelques écrits sympathiques. A vrai dire j’ai beaucoup de mal à avoir du recul sur mon travail et je ne peux jamais dire si je suis satisfait ou non de ce que j’ai fait. Plus qu’un article c’est plutôt une rencontre, un titre ou une partie d’un article qui me plaît. Donc si je devais faire un choix, je dirais que je suis content de mon travail pour le magazine CardPLayer durant les WSOP (numéros 48 et 49, Juillet/Aout 2010) . J’ai en effet réussi à réaliser un coverage live pendant un mois et demi tout en réussissant à fournir le contenu de deux magazines papiers. Après je suis très content de mon interview de Benjo (numéro 48, Juillet 2010) dans laquelle il s’est un peu dévoilé, et j’ai a sensation d’avoir permis aux lecteurs de découvrir un peu mieux cet acteur majeur du poker français. Sinon pour ce qu’ils représentent je suis très content d’avoir pu interviewer Tom Dwan et Phil Ivey lors des derniers WSOPE. Si l’interview de Dwan est sortie dans le CardPLayer 51 d’Octobre 2010, celle d’Ivey devrait sortir un jour. Peut-être... Enfin j’aime particulièrement le jeu des titres auquel on se livre tous durant les coverages live. Et en parlant de titre si je devais n’en retenir qu’un j’opterais pour celui de mon dernier papier sur le WPT Marrakech dans le dernier Livepoker (Janvier 2011) : "Homan’s Land".

Kevin Noblat : J’écris rarement de longs articles structurés. Récemment, je me suis néanmoins livré à un nouvel exercice : suivre Antony Lellouche durant une semaine et raconter son quotidien de joueur hautes-limites. Les retours furent très bons et j’ai très envie de remettre le couvert prochainement. Sinon, il y a évidemment tous les titres bourrés de jeux de mots. J’en ai fait trop (des très bons comme des pourris) pour me rappeler de tout, mais citons par exemple :
- Après une élimination de Clément Thumy : « Il a Thu-my. Et Thu-perdu. »
- Une détournement du slogan de Wam-Poker (« Debout sur la table ! ») après un gros bluff observé en direct : « Deux boules sur la table ! » Pour l'histoire, nous avons longuement réfléchi avec Benjo sur d'éventuels retours négatifs de la direction avant que notre Boss nous lâche un « Ouais, mettez-le, c’est énorme ! »
Bon, pour les autres, j’ai la flemme de chercher, mais il y en aura d’autres en 2011, promis.

Julien Bochereau : On en écrit vingt par jour, des posts/articles. Ce n'est pas évident de souvenir d'un en particulier. En général, j'aime bien les coups qui implique des tards et où je peux caler un jeu de mot à la con. J'avais été content de placer le "Rendez nous le chien, Champagnol d'abord !" à Prague par exemple.

Benjamin Gallen : Chaque année, j'arrive à écrire une petite dizaine d'articles dont je suis content (pas plus), et je vais être obligé de sélectionner celui qui a eu le plus de succès, car c'est aussi mon préféré. "The durrrr Factor". A propos de cette folle journée où Tom Dwan a failli mettre à terre d'une seule main la communauté des joueurs high-stakes de Las Vegas en remportant un pari fou estimé à plus de dix millions de dollars... Si l'article a plu, c'est surtout parce que j'ai pris énormément de plaisir à vivre cette journée qui a duré plus de 36 heures. J'ai pu observer la finale en entier, sans rien écrire sur l'ordi, prenant des notes aux premières loges, et ressentir l'intensité monter progressivement dans les gradins, aux tables voisines, dans tout le Rio en fait. On avait la rare impression d'observer quelque chose d'historique, dont on se souviendrait. Quand le tournoi s'est terminé, il était quatre heures du matin mais il me fallait encore l'écrire, ce putain d'article, et j'ai tapé sur le clavier jusque onze heures avant de me déclarer satisfait du machin. A ce stade, il était hors de question d'aller dormir : j'ai tout simplement pris une douche, et suis retourné au Rio en titubant avec cette bizarre impression d'immortalité que l'on éprouve quand on répète la même chose pendant un temps très, très long.


Steven Liardeaux : J'ai eu beaucoup trop de mal à choisir parmi tous les posts de tous les coverages, alors je me suis tourné vers l'un des articles postés sur le site : l'interview de Bruno Launais pour MadeInPoker. Parce que j'ai passé un bon moment avec lui, parce que Brubru est vraiment un joueur à part selon moi, et parce qu'il y en a marre des interviews où on n'entend parler que des cartes, des bads beats et compagnie, je ne suis pas peu fier d'avoir réalisé cette interview. Enjoy, découvrez ou redécouvrez là avec grand plaisir. Si seulement tous les joueurs pouvaient être aussi dispo et sympathique comme lui...

lundi 13 décembre 2010

Flemme et Frustration

C'est une tendance exaspérante chez moi: je suis absolument incapable de me remettre au turbin une fois que j'ai rejoint mon « home sweet home ». Alors que j'avais promis à Xewod d'updater régulièrement mon blog, lors de notre rencontre à Marrakech, voilà dix jours que je n'ai rien posté. Ceci dit, il n'y a pas grand chose d'intéressant à raconter des dix jours que j'ai passé à la maison. On peut résumer cela à: feu de cheminée, famille, achats de Noël – pour une fois que je ne m'y prends pas la veille – régime alimentaire, PS3, bagarre avec mon chat, un peu (très peu) de poker en ligne.

Parlons-en, d'ailleurs, du poker en ligne.

Le vendredi qui a suivi mon retour de Marrakech, j'avais prévu de glandouiller sereinement toute la matinée – ce que j'ai fait dans une certaine mesure – mais le quotidien s'est vite rappelé à mon bon souvenir, et je me suis retrouvé devant mon écran, à faire défiler les blogs des copains, lire en diagonale les news du jour, me refusant obstinément à jouer au poker en ligne...

Voilà d'ailleurs une autre nouvelle tendance chez moi: je recule au maximum le moment où je vais me poser aux tables de poker, quand je rentre d'un coverage. Je me suis rapidement rendu compte que mes sessions les plus cagoulées, mes plus grosses pertes, avaient lieu juste après les coverages.

La raison ? Il y en a plusieurs, je suppose.

D'abord, quand on voit des centaines de joueurs manier les jetons pendant une semaine d'affilée, cela développe une frustration intense qui grandit peu à peu, et la première chose qu'on est tenté de faire en rentrant dans sa caverne, c'est de manier des jetons à son tour.

Bien sûr, il arrive parfois que l'on puisse faire cliqueter les jetons pendant le coverage, notamment quand les Gentils Organisateurs proposent un tournoi des médias.. mais ce plaisir-là tourne vite au coïtus interruptus: les structures des tournois des médias sont notoirement hyper-turbo, et le fait de se retrouver entre potes autour d'une table pousse à la connerie, cela devient finalement un prétexte à faire n'importe quoi pour vite aller boire des grosses bières avec les copains*.

Résultat, je commence généralement le tournoi en mode Fort Knox - je passe toutes mes poubelles pendant le premier niveau – mais l'ambiance générale de la table m'enflamme vite l'esprit, et je pousse tout très vite – c'est-à-dire généralement à la fin du deuxième level - en criant un « goooomble » de bon aloi faisant rigoler tout le monde.

Et je saute.

Et je rejoins les copains sur le rail, histoire de mettre un peu d'animation pour le restant du tournoi média, jusqu'à ce qu'un responsable vienne nous rappeler qu'un tournoi, un vrai celui-là, avec des vrais sous dans le prize-pool et des vrais joueurs aux tables, a lieu non loin du nôtre, et qu'il serait de bon ton... de baisser le ton, justement.

* L'auteur se sent obligé de préciser que ces propos n'engagent que lui, et ne représentent en rien la masse des reporters présents lors des tournois internationaux, qui ne boivent pas forcément de grosse bière.

Une fois le coverage terminé, quand je rentre chez moi, je ne peux toujours pas manipuler des jetons, or la frustration est toujours présente. Le premier casino est à plus d'une heure de route, et ne propose pas de poker. Je me retrouve donc à grinder online.

Le problème, c'est que quand vous revenez frustré d'un voyage lors duquel tout le monde a joué aux cartes sauf vous, vous (enfin moi, j'espère que tout le monde aura compris que j'utilise la deuxième personne du pluriel pour me déresponsabiliser), vous donc, avez tendance à spew quelques caves avant de réaliser que vous faites absolument n'importe quoi, et qu'il est temps de vous remettre au tricot, ou à la belote, ce qui sera toujours moins risqué. Dans ces cas-là, vous vous dites que vous auriez mieux fait de perdre quelques heures sur Final Fantasy XIII, ce qui aurait probablement déplu à Madame, mais aurait été au final un bien meilleur investissement.

Et voilà. Je voulais faire court et clair, mais comme je l'ai souvent dit, ou lu, ou entendu, les choses les plus simples sont souvent les plus difficiles à expliquer...

Voilà donc pourquoi je repousse tant le moment où je me mets à jouer quand je rentre d'un reportage, cela m'évite simplement de tilter.

En bon fish, je me suis mis au cash-game depuis peu, en commençant en NL20, car comme aurait pu dire mon prof de sciences-éco au lycée: « Il faut se donner les moyens de ses ambitions, or il n'y a pas de limites à nos ambitions, hormis les moyens que l'on se donne pour les réaliser »

Je me suis longtemps considéré comme un piètre joueur de cash-game – et cet état de fait n'a pas changé – mais j'ai fini par me dire qu'il n'y a pas de raison pour que je ne devienne pas un joueur correct, à force de travail, de lecture des différents threads techniques proposés un peu partout sur la toile, et surtout en accumulant le nombre de mains jouées.

Jusqu'à maintenant, je m'étais cantonné aux tournois, en évitant prudemment le cash-game, mais lors du WPT Amnéville, une discussion avec mon pote Aurélien Lafarge m'a donné envie de tenter le coup.

Bref, depuis, j'essaie d'assimiler les concepts de base du cash-game, tout en accumulant les erreurs et les swings, ce qui donne, après 9k hands, le graphique suivant:

Cinq caves gagnées en 9,000 mains, y'a du boulot.

Lorsque j'analyse mes mains, je me rends vite que mon principal problème est le suivant: j'ai tendance à répéter les mêmes erreurs un bon nombre de fois avant de ne plus les faire... et d'en faire de nouvelles. Je ne compte plus le nombre de petits pots perdus que j'aurais pu minimiser en évitant de faire un call pourri en river, sachant pertinemment que je payais perdant. Ni les pots où je perds un max de value par manque de lucidité, ou par peur des nuts en face.

Je pense que le pire, c'est mon changement d'attitude lors des bad-runs: je tilt très facilement, et cela me coûte cher. C'est en partie là-dessus que j'ai pas mal travaillé.

Décembre étant plutôt chargé, je n'ai pas beaucoup de temps pour jouer, j'aurai donc beaucoup moins de mains à mon actif à la fin du mois, mais je vous promets d'essayer de poster un meilleur graphique que celui-ci en janvier.

D'ici là, je m'en vais couvrir l'European Poker Tour de Prague.

Mon prochain up-date sera donc probablement envoyé depuis l'hôtel Hilton de Prague, exactement là où j'ai vu Arnaud Mattern il y a (déjà) trois ans remporter son premier titre EPT.

vendredi 3 décembre 2010

Retour de Marrakech

Mercredi 1er décembre, aéroport de Marrakech

Il est 23h pile, et je suis assis sur un des sièges inconfortables de l'aéroport de Marrakech. Mon avion pour Lyon aurait dû décoller depuis plusieurs heures déjà, mais voilà: la dégradation des conditions météorologiques* a occasionné une série de retards et d'incidents, qui ont abouti à cette conclusion simplissime: je m'use actuellement le cul sur ce siège de merde.

*Dites-le très vite, plusieurs fois de suite et à voix haute, d'ailleurs, qu'on rigole un peu: « la dégradation des conditions météorologiques ». Ah, vous voyez, ce n'est pas si simple, d'être Monsieur Météo sans avoir l'air ridicule.

D'ailleurs, même si cela ne constitue pas une consolation en soi, je ne suis pas le seul: Hugues Fournaise râpe lui aussi son fond de pantalon sur les bancs de l'aéroport, imité par Jaybee du Club Poker, ainsi que par une bonne centaine d'autres personnes. Un peu plus tôt, la direction de l'aéroport a offert à tous les passagers de ce vol un bon d'achat de quelques euros, histoire que l'on aie le privilège de mordre dans un morceau de pain garni de fromage, et de boire un café. La bonne nouvelle, parce qu'il faut bien qu'il y en ait tout de même une, c'est que nous ne passerons pas la nuit ici. Notre vol a finalement été annoncé, il décollera à minuit et demie heure locale, c'est-à-dire à une heure et demie du matin, heure française. Avec environ trois heures de vol et le décalage horaire, cela devrait nous faire atterrir aux alentours des quatre heure et demie à l'aéroport Saint Exupery de Lyon, ce qui est toujours mieux que de choper la scarlatine, comme dirait Séraphin Lampion.


D'une manière générale, je garderai de ces quelques jours à Marrakech une impression mitigée.

Le gros test de la semaine était cette entrevue avec Liz Lieu, et je pense que je m'en suis honorablement sorti, pour ma première interview réalisée en anglais. Le résultat (en Français) paraîtra dans l'édition de décembre de That's Poker, et même si le résultat final ne m'emballe pas plus que ça, je pense avoir produit un texte honnête, qui sort un peu des interviews que l'on a l'habitude de lire en général sur les joueurs, même s'il est un peu trop axé sur le côté biographique de la belle. A ma décharge, il s'agissait d'une première – je n'avais encore jamais eu à rendre de texte aussi long – et les délais impartis étaient plutôt serrés.

Côté tournoi, pour sa deuxième édition en terre Africaine, le World Poker Tour a presque réalisé une contre-performance. En effet, si la cuvée 2009 fut un grand cru, réunissant 416 joueurs et un prize-pool de plus d'1,5 millions d'euros, la cuvée 2010 aura plutôt offert un millésime, précieux mais se faisant désirer: les joueurs ne se sont clairement pas pressés au portillon pour remporter un bracelet WPT, en revanche nous avons eu droit à une sélection des meilleurs sharks Français. Pour tout dire, j'ai rarement vu autant de tables aussi difficiles réunies dans la même poker-room. Je retiendrai une table en particulier, lors du day 1B: elle réunissait Bruno Launais, Bertrand 'ElkY' Grospellier, Thomas Bichon, Franck Khalfon, Davidi Kitai, Karine Nogeira, Mesbah Guerfi et Malik Nouri. Et au beau milieu, comme Roy Scheider perdu dans un banc de squales, un joueur anonyme, un 'random' comme nous autres journalistes avons coutume de les appeler, autant dire un condamné à mort dans ce cas précis. Il avait à peu près autant de chances de s'en sortir qu'un unijambiste de battre le record mondial de saut en hauteur, et il ne fit effectivement pas long feu.

Deux jours plus tard, la table finale était connue: deux Allemands, un Scandinave, un Autrichien et cinq Français en formaient la composition.

And guess what ? Avec un field composé à 80% de Français, c'est un joueur Allemand qui a raflé le titre. C'est quand même dingue qu'on soit pas fichus de ramener un bracelet quand on truste le tournoi de cette façon. Mais bon, ce qui fait plaisir, c'est de voir des copains concrétiser ce que l'on sentait arriver depuis un moment. Je parle bien sûr de Guillaume 'Johny001' de la Gorce, qui atteint sa première table finale après plus de trois ans de circuit pro, Julien 'Nori' Labussière, qui joue sous les couleurs Partouche depuis plus d'un an maintenant, et Guillaume 'Guilloms32' Cescut, que j'ai eu le plaisir de mieux connaître lors de la finale du Barrière Poker Tour d'Enghien, il y a tout juste deux semaines.

Au final, Sebastian Homann remporte une victoire méritée – même si j'ai cessé de croire aux vertus du mérite dans le poker depuis bien longtemps, si tous ceux qui méritaient un bracelet en avaient gagné un, ça se saurait - alors qu'un goût plutôt désagréable me reste dans la bouche: si, avec un field majoritairement Français, un nouveau bracelet WPT tricolore tarde tant à venir, je ne peux m'empêcher de me demander «A quand le prochain ?».

En ce qui concerne les rencontres, j'ai eu grand plaisir à revoir Ahmed 'MrKast' Debabèche. Ce qui m'a le plus surpris, c'est qu'il se souvienne de notre première rencontre, cet été à Las Vegas, alors que nous nous pressions dans la file d'attente de la soirée organisée par PokerStars au Rain, le night-club du Palms de Las Vegas, et que je retrouvais une âme d'adolescent à l'idée d'assister à un concert privé de Snoop Dog.

J'ai également eu le plaisir de revoir Chris, que vous connaissez probablement sous le pseudo Xewod, celui dont le blog poker a pris tant d'ampleur qu'il a réussi à envoyer certains de ses lecteurs jouer au poker à Marrakech.

L'autre rencontre fut multiple: j'ai eu le plaisir – et parfois l'étonnement, voire le désarroi – de mettre des pseudos sur des visages, je parle bien sûr de ceux du ghotta du ClubPoker: SuperCaddy (d'ailleurs, merci SuperCaddy), Comanche, Piercy, Artplay, Nassim, sans parler bien sûr de ceux que je connaissais déjà, comme Kinshu, Fpc, Webmaster, Gab-x, Clovis, Stéphane, Tapis_Volant et Jaybee. Si par malheur j'ai oublié quelqu'un, je vous promets de m'auto-flageller, voilà.


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Aéroport de Marrakech, jeudi 2 décembre, 11h du mat'

Non, je n'ai pas passé la nuit sur mon siège à me tanner le cuir.

Et oui, j'ai passé une nuit supplémentaire à Marrakech.

Mais revenons un peu sur ce qu'il s'est passé depuis hier soir, quand je vous ai laissés, à 23h:

    • 23:30: Une hôtesse annonce d'un ton peu assuré que le vol n° 4496 à destination de Lyon-Saint Exupéry est reporté au lendemain, 13h35;

    • 23:32: Un homme, au comble du désespoir, s'asperge d'harissa et s'enflamme subitement, faisant l'objet d'une combustion spontanée;

    • 23:45: Un autre, bourré, commence à sévèrement casser les roubignolles de ce qui semble être un de ses amis. Jaybee et moi nous éloignons prudemment du désastre potentiel;

    • Minuit: Une hôtesse récupère nos cartes d'embarquement, et nous remplissons une fiche de débarquement: nous devons quitter la zone internationale de transit pour rejoindre un hôtel, et entrons donc de nouveau au Maroc. C'est curieux, j'ai l'impression de ne l'avoir jamais quitté. Ça doit être cela, l'effet Marrakech;

    • 00:30: Tous les passagers ont repassé le contrôle des passeports, et nous attendons nos bagages. Jaybee et moi piquons un mini fou-rire devant un bragueur de l'extrême (comprenez: «crâneur») , qui tente par tous les moyens de convaincre son auditoire qu'il est le meilleur en tout, qu'il a tout compris au monde qui l'entoure, et d'une manière générale, implique que les autres ne sont que de sombres merdes. Notre fou-rire intermittent nous fait rapidement repérer, et a au moins le mérite de calmer notre bragueur fou;

    • 01:15: Nous sommes regroupés dans des bus sur le parking de l'aéroport. Détail amusant que ne manquera pas de relever Jaybee: les bus sont estampillés M.T.T. Les employés attendent visiblement de savoir vers quel(s) hôtel(s) nous diriger;

    • 01:55: Dans le plus pur esprit Français, une passagère ne supporte plus que les employés de l'aéroport osent discuter entre eux, qui plus est avec le sourire, alors que nous attendons toujours dans le bus, à l'arrêt, en faisant la gueule. Ni une ni deux, elle descend hurler son indignation, et remonte deux minutes après, satisfaite du devoir accompli;

    • 02:25: Nous somme déposés au Royal Mirage Hotel. Coïncidence amusante: le prix d'une nuit dans cet hôtel correspond au prix de mon billet aller-retour Lyon-Marrakech. Il ne devait vraiment plus y avoir de place nulle part;


    • 03:00: Ultime bad beat de la journée: le bar de l'hôtel est fermé, pas moyen de se mettre une mine, je m'écroule sur mon lit.

Le lendemain matin, après un petit déjeuner plus que bienvenu, nous nous enfournons dans les même bus que la veille, et arrivons à l'aéroport. Le reste se passe relativement bien: nous passons les divers points de contrôle sans encombre, et l'avion finit par décoller, avec une heure de retard environ.

Deux heures et demie plus tard, nous atterrissons à Lyon, sous la neige, passant brusquement de 23° à -3°, mais heureux d'arriver enfin à bon port.

Les jours qui viennent devraient être intéressants. J'ai décidé, d'un commun accord avec moi-même, de prendre une matinée de repos demain, avant de m'attaquer aux divers debriefings des interviews réalisées à Marrakech, ce qui devrait me prendre quelques jours de boulot. Nous devons également finaliser la création de RiverTells avec Hugues, notamment déposer les statuts de la société, ce qui devrait être fait lundi. D'autres projets sont également en cours de cogitation, et feront probablement l'objet d'un prochain billet.

D'ici là, je crois que ma soirée sera concentré autour de deux objectifs primordiaux: me réchauffer les pieds au feu de cheminée, tout en faisant un sort à la bouteille de Chateau Peybonhomme Les Tours 2007 qui me nargue depuis le bar, impunément.

samedi 27 novembre 2010

Finale BPT et day 1A du WPT Marrakech

J'ai pris pas mal de retard dans mes publications, mais il faut bien l'avouer, je n'ai pas eu grand-chose d'intéressant à raconter non plus, depuis Amnéville. Voici un petit récap' rapide:

Finale du Barrière Poker Tour – 15 novembre, Enghien

Pas grand-chose à dire à propos de la finale du Barrière Poker Tour, qui s'est déroulée le week-end du 13-14 novembre à Enghien les Bains: j'y étais avec Cyrille Lefranc, qui a pris en charge les photos officielles. Pour ma part, je me suis occupé des photos destinées à la page FaceBook de Barrière Poker. Et c'est bien cela qui m'a troublé: ces trois dernières années, j'ai pris pour habitude de couvrir les évènements en texte et photos, parfois en vidéo.
A Enghien, je n'ai eu que quelques photos à prendre, réparties sur tout le week-end. Ceci dit, heureusement que Cyrille était là, car le pack de photos officielles dont il s'est chargé demandait un bagage technique que je n'ai pas encore acquis. On va y venir, tout doucement.

La partie «casting» du BPT a été un vrai plaisir: une soixantaine de candidats au poste de «Joueur Barrière de l'année» étaient présents, et ont commencé le casting en s'écharpant joyeusement lors d'un tournoi en double shoot-out, à la structure digne d'un abattoir industriel. L'on a d'ailleurs pu assister à quelques scènes d'un haut potentiel comique, comme celle lors de laquelle un joueur excédé a quitté la poker-room en hurlant "Mais quelle chattarde! Quelle chattarde!" en parlant de Sabrina Derdar. Laquelle, haussant les épaules d'un air fataliste, a préféré ne pas relever. "Ah non", corrigera d'ailleurs une de ses amies, depuis le rail des spectateurs, "lorsqu'il s'agit d'une femme, on dit qu'elle a 'bitté', pas 'chatté', remettons les chose à leur place, tout de même."

De ces sit'n go ont émergé seize élus, qui sont revenus le lendemain pour une épreuve écrite: un questionnaire regroupant de la connaissance générale du poker, des stats, probas, etc...

Les seize ont ensuite disputé une série de heads-up - notés par les pros de la Team Barrière - à l'issue desquels huit profils ont émergé. Enfin, les huit derniers sont passés tour à tour devant un jury composé de diverses personnalités, jury qui a fait connaître son choix quelques heures plus tard.

L'heureux élu fut donc Adrien Allain, qui fut appelé devant la foule lors d'un break de la table finale du main event. Je peine à imaginer ce qu'a ressenti Adrien: après un deep-run dans le main event, il venait d'être éliminé suite à une rencontre face à Vikash Dhorasoo, alors qu'il possédait un des plus gros tapis du moment: horrible déception, frustration, colère.

Juste après, il apprend qu'il décroche un sponsoring de €120,000: joie, élévation, fête.

C'est probablement l'accumulation de ces sentiments mitigés qui a généré cette émouvante prestation: lorsque Lucille Denos, responsable poker chez Barrière, a fait venir Adrien pour qu'il prononce quelques mots, ce dernier a prononcé d'une voix minuscule qu'il était très content, son visage restant de marbre, semblant complètement dépassé par les évènements, et visiblement touché. C'est aussi pour ces moment-là qu'on fait ce métier: constater qu'un joueur tel qu'Adrien, qui possède une poker-face plutôt élaborée, éprouve en fait les mêmes sentiments que vous et moi...

WPT Marrakech - 20 au 30 novembre

Depuis presque deux ans que je suis retourné à mes racines, au beau milieu de la campagne Charollaise, la procédure pour me rendre à l'aéroport est un tout petit peu plus compliquée qu'avant: je dois prendre ma voiture pour me rendre à la gare locale, d'où un TER m'embarque pour la gare de Lyon-Part Dieu. De là, je saute dans le Rhônexpress, la toute récente ligne de tramway qui me conduit à l'aéroport Saint Exupéry en une demi-heure.

Quelques heures plus tard, je me retrouve avec Jaybee et Xav13 du ClubPoker, à marchander le taxi pour me rendre au Golden Tulip, hôtel de Marrakech dans lequel sont logés tous les reporters et les croupiers, situé à quelques encablures du Es-Saadi. Dès notre arrivée, le lobby semble avoir été trusté par le ClubPoker: Laurent, Comanche, FCP, Piercy, SuperCaddy - pour ne citer qu'eux - sont en train de récupérer leurs clés. Rapidement, nous devons faire face à une terrible réalité: pas de connection internet dans les chambres. Gloups. Mon âme de geek frémit encore au souvenir de l'annonce de cette nouvelle, et de fait, les sièges et canapés du lobby sont bourrés de types qui tapotent sur le clavier de leur portable, la seule connection wi-fi disponible étant au rez-de-chaussée de l'hôtel.

Rapidement, on retrouve les automatismes: aller récupérer sa carte de presse auprès des autorités compétentes – en l'occurence, Ophélie de ChiliPoker – puis aller voir les copains, qui sont là depuis quelques jours déjà. Au passage, on en profite pour féliciter Ronan « roroflush » Monfort, qui a fait une belle place payée de plus, en finissant 5ème du Deep Stack Open, et mon collègue Harper, qui a fini 9ème du même tournoi, devenant ainsi mon nouveau héros ordinaire.

Table finale du DSO

Dès le lendemain, l'épreuve à laquelle je me suis préparé ces derniers jours est programmée pour 15h30: Hugues et moi avons rendez-vous avec Liz Lieu pour ce qui sera une longue interview, destinée au numéro de décembre du magazine That's Poker. Trois heures et demie plus tard, j'e sors de là rincé, l'esprit bouillonnant d'informations à trier: il s'agissait de toute première interview intégralement en Anglais, ce qui n'était pas pour me faciliter la vie, et Liz possède un caractère enthousiaste, à la limite de l'hyper-charisme. Durant toute l'interview, il m'a été presque impossible de conserver le détachement nécessaire à tout reporter, tant cette jeune femme dégage de sympathie et de joie de vivre.

Le soir, Hugues et moi la retrouvons dans le lobby du Palace Es-Saadi, et nous nous laissons embarquer par Alexandre Dreyfus, qui a organisé une excursion au coeur de Marrakech, au restaurant Le Foundouk. Trois taxis sont réservés, pour un groupe plutôt disparate: en plus du staff ChiliPoker au grand complet, sont présents Steven de Made In Poker, Laurent et FPC de ClubPoker, Matthias de Poker Actu, un mec du mensuel « Entrevue » accompagné de sa copine Anglaise un peu gothique, qui se dit chanteuse. Perdus au milieu, deux lecteurs d'Entrevue qualifiés pour le DSO, qui ont passé ces quelques jours en compagnie de Jennifer Favier, nièce d'une grande blonde éponyme qui zozote, participante à l'Ile de la Tentation pour l'un, tanids que l'autre était accompagné de Virginie Caprice. Si, si, vous avez probablement déjà vu Virginie Caprice, souvenez-vous en cliquant ici.

Le Foundouk est un lieu étonnant: situé en plein quartier résidentiel de la ville, les taxis nous y ont emmenés en passant par des rues minuscules, soulevant parfois la poussière du sol en terre battue, rasant les vélos et les scooters. A l'arrivée, le groupe est pris en charge par des employés du restaurant, qui nous dirigent vers la porte d'entrée. L'intérieur offre un contraste incroyable avec la rue: haut de plafond, des tables massives en bois, une déco travaillée, et une double carte, Marocaine et Française, et une cave de vins à tomber.

Après un dîner balla – comprenez apéro au champagne, Pouilly Fumé pour accompagner l'entrée et Saint Julien pour le plat principal, nous sommes tous retournés au Es-Saadi. Cette soirée fut la bienvenue: je savais que le lendemain serait consacré au debriefing de la bande audio et des notes prises pendant l'interview de Liz, et j'avais besoin de prendre du recul et de me vider la tête. En ce sens, le Pouilly m'a bien aidé.

Les deux jours suivants furent consacrés à la rédaction de l'article, que je devais envoyer le 25 novembre au plus tard à That's Poker, qui était en bouclage tardif du numéro de décembre.

Je m'étais promis une journée off, pour profiter des quelques 23-24° offerts par le soleil du Maroc en cette fin d'automne, et j'aurais bien aimé que ce jour de congé tombe au day 1A du WPT, histoire de dire que je bronze au bord de la piscine pendant que tous les copains travaillent, mais c'était sans compter sur ma bonne étoile, qui a décidé qu'il était temps pour quelques nuages en stationnement au-dessus de Marrakech de déverser leurs trop-plein d'eau. Sick. N'ayant rien d'autre à faire, exit le day off, direction la salle de presse.

Conséquence directe de la météo: la salle de presse, installée sous une grande tente à l'extérieur de la poker-room, se disloque presque sous nos yeux: le rapatriement se fait un peu dans la panique, et les reporters s'installent sur des tables de poker vides, à l'une des extrémités de la salle.

Tout comme à Enghien, j'ai un sentiment mitigé en m'installant dans cette salle de presse improvisée: là encore, je n'ai pas de coverage live à assurer, juste des interviews à prévoir et à préparer, un premier débriefing d'une entrevue avec Caroline Darcourt à faire, et des rendez-vous prometteurs avec des acteurs de la presse poker. Cela ne ressemble en aucun point à tout ce que j'ai pu faire ces trois dernières années, c'est à la fois excitant et déroutant: avant de partir à Las Vegas, en juin dernier, j'en étais peu à peu arrivé à la conclusion que j'étais condamné à raconter les même éternels coin-flips, cherchant juste une manière différente de dire que As-Roi avait envoyé Q-Q ad patres, mais il semblerait que ce ne soit finalement pas le cas.

Le reste du séjour va probablement se dérouler à l'image du day 1A: je vais continuer à jouer les useless sur le banc de presse, jusqu'à mardi. Ou pas.

mardi 9 novembre 2010

Retour d'Amnéville

Je m'étais pourtant promis d'écrire chaque soir sur ce blog, pendant la durée du World Poker Tour d'Amnéville... Le problème, vous voyez, c'est que cette semaine – comme tous les journalistes présents d'ailleurs – je n'ai connu ni matin, après-midi ou soir: si je devais résumer ce que je retiens de cette semaine en Lorraine, je me suis contenté de dormir (un peu), bosser (beaucoup), manger (quand je pouvais) et subvenir aux besoins naturels dont dépend chaque individu normalement constitué.

Il faut dire qu'il s'agissait d'un gros challenge: la couverture de ce World Poker Tour était une grande première pour Hugues Fournaise et moi, et cela allait donner le ton à la direction qu'emprunterait River Tells. Nous nous sommes donc donnés à fond pendant ces cinq jours, avec l'assistance plus que bienvenue d'Aurélien Lafarge, avec qui j'ai partagé le côté rédactionnel, tandis que Hugues s'est chargé de la couverture photographique, aidé lui aussi pendant une journée par Cyrille Lefranc.

Le tournoi, dans l'ensemble, fut un évènement réussi. 543 joueurs ont pris part à la fête, ce qui constitue un record d'affluence pour un W.P.T. hors U.S.A, et la salle de presse a fait le plein: j'y ai retrouvé la plupart des copains. Le field a constitué un bon équilibre entre joueurs débutants et confirmés – la balance penchant toutefois du côté débutant – et nous eûmes notamment une journée 3 passionnante, lors de laquelle les set-up se sont enchaînés d'une manière inquiétante,

Côté vie pratique, je retiendrai beaucoup de choses de ce WPT:

Premièrement, tous les casinos ne sont pas habitués à organiser des tournois de cette envergure, ce qui entraîne des réactions parfois étonnantes de la part des dirigeants ou de l'équipe organisatrice.

Deuxièmement, la presse reste un organisme importun pour les casinos; il suffit de voir de quelle manière nos suggestions et commentaires - pas toujours enrobés de sucre, c'est vrai - ont été reçus par les organisateurs.

Enfin, ce tournoi a eu lieu dans un Casino ouvert depuis moins d'un mois (ceci explique probablement cela). Si les chambres de l'hôtel méritent probablement les étoiles qui leur sont attribuées (le buffet de petit déjeuner aussi, d'ailleurs, et je vous l'affirme en connaisseur), les restaurants du casino, en revanche, ont de gros progrès à faire aussi bien en terme d'accueil que de qualité de service, sans même parler de la finesse des mets proposés. Il semblerait que les serveurs ont émergé du sol au même moment que le casino, un mois auparavant, et qu'ils ont zappé toute la partie formation en restauration.

L'exemple le plus flagrant: le soir de la finale du W.P.T., Aurélien, Jooles, Kinshu, Harper et moi-même avions une heure pour nous restaurer, pendant le dinner-break, et nous nous sommes installés dans la partie 'buffet' du Casino: l'accès à ce buffet ne nous coûtait rien, puisque Hermance Blum, de PartyPoker, nous avait généreusement offert des tickets.

Les autres soirs, un buffet froid était à disposition, mais en l'occurrence – peut-être est-ce dû au fait qu'ils attendaient moins de monde – pas de buffet froid, ce soir-là. Une serveuse nous installe, et nous laisse le choix entre trois entrées, trois plats, trois desserts, parfait.

A peine installés, fort de notre expérience dans l'autre restaurant du casino, et bien décidés à ne pas nous faire avoir par le timing, nous indiquons que nous faisons partie du staff W.P.T., et que nous n'avons qu'une heure pour manger, la serveuse en prend bonne note.

Nous passons commande.

Vingt minutes plus tard, ne voyant rien arriver, nous nous rappelons au bon souvenir d'un serveur qui passe à ce moment-là. «Oui, je vais voir en cuisine» nous dit-il sans même s'arrêter. Il revient cinq minutes plus tard en demandant «Vous aviez commandé quoi, déjà ?»

Jooles commence à tilter, une bouteille de Bordeaux a déjà dégagé, et le temps imparti est désormais de 35 minutes. Nous lui rappelons la commande -et le fait que nous sommes pressés- et il repart, pour mieux revenir cinq minutes plus tard: «Désolé, nous n'avons plus l'entrée que vous avez commandée»

Le bad-beat continue. Le serveur nous apporte l'entrée disponible -une sorte de terrine- que nous expédions en moins de temps qu'il n'en faut pour dire «La suite, s'il vous plait»

Le temps passe, il ne nous reste plus que quinze minutes quand un autre serveur arrive à la table «Vous voulez bien me rappeler votre commande, s'il vous plait?»

Ça tourne au sketch, j'en suis à chercher où est planquée la caméra. Nous demandons ce qui est le plus rapide à préparer, le serveur nous propose des escalopes Milanaises. A cinq minutes de la fin du chrono, il nous apporte un espèce de plat atroce, une véritable semelle de viande, et je ne vous parle même pas de l'accompagnement. Ceci dit, livrer au client au plat immangeable cinq minutes avant qu'il ne doive repartir, c'est plutôt bien joué: le client ne risque pas de renvoyer le plat en cuisine. Nous sommes tous repartis en salle de presse avec un sentiment de frustration, et si j'avais dû payer l'addition, Dieu m'est témoin que le serveur aurait pu s'asseoir sur son ticket de caisse. En même temps, ayant travaillé plusieurs années dans la restauration, je suis plutôt intolérant.

Puisqu'on en est à parler des petites misères ordinaires, et suite à une idée d'Harper, je vais essayer d'établir la liste des choses que je n'avais encore jamais vues avant de venir à Amnéville:

1- Je n'avais encore jamais vu de joueur pro débarquer au buffet du p'ti déj à 7h du matin, n'ayant pas dormi, avec une guitare à la main, et interpréter des morceaux divers et variés, avec un talent... divers et varié;

2- Je n'avais encore jamais vu d'écran plasma émerger d'un mur: on se prend un peu pour le capitaine Picard. Par contre, pour fermer le volet roulant, ça se fait à la main. On ne peut pas tout avoir, non plus. Je vois d'ici l'architecte déclarer au directeur de l'hôtel: «Tous les grands hôtels ont ça à New York, c'est juste trop super hype, il vous le faut absolument, c'est 1,500 € par chambre. Quoi ? Des volets roulants électriques ? C'est complètement passé de mode, mon bon ami, voyons! Nous ne voudrions pas paraître démodés, n'est-ce-pas ?»

3- Je n'avais encore jamais vu autant de set-ups sur une journée, enfin je crois (day 1B, mais aussi day 3);

4- Je n'avais encore jamais vu un Tournament Director s'entendre dire de fermer sa gueule: lorsque la liste des payouts est sortie, Sammy Torbey a annoncé les gains de la table finale au micro. Le problème s'est posé lorsqu'il a commencé à annoncer les prix de la 10° à la 12° place, d'autant que la tournament clock affichait toutes ces infos clairement: cela en a agacé certains, et un «ta gueule!» a donc émergé de l'une des tables, suivi par une protestation générale, heureusement de courte durée;

5- Je n'avais encore jamais vu autant de public autour d'une table finale: il est vrai que la présence de trois Local Heroes (deux qualifiés du Casino et un membre de Lorraine Poker Club) à cette table y est pour beaucoup;


6- Je n'avais encore jamais vu de time qui dure 30 secondes, ni de décompte à voix haute du croupier commencer à 5 secondes de la fin, ni eu à convaincre un floor manager qu'il est de bon ton de respecter les règles internationales du Poker - au lieu des règles locales du Casino - surtout lorsque l'on accueille un W.P.T. (véridique, la scène avait un haut potentiel cocasse);

7- Je n'avais encore jamais vu d'agent de sécurité se planter devant moi dans la salle de presse en attendant que je ferme mon p.c., alors que je suis en train de taper l'article de clôture de la journée, m'interrompant toutes les deux minutes parce qu'il est 4h du matin et qu'il doit mettre l'alarme. Quand je signale qu'il reste du monde en bas (la salle de presse était située sur une sorte de mezzanine, au-dessus de la poker-room) il me dit qu'il ne voit pas le rapport, que moi je dois partir;

8- Je n'avais encore jamais vu des rapports aussi tendus entre une équipe organisatrice (je parle bien sûr de l'équipe du casino et pas du sponsor PartyPoker.fr) et la presse, ni un responsable en mode Gestapo déclarer à un journaliste qu'il allait «tout faire pour le blacklister de tous les casinos de France»;

9- Je n'avais encore jamais vu d'hôtel 4 étoiles sans room-service. Mettons cela sur le compte de la récente naissance de l'établissement;

10- Enfin, je n'avais encore jamais bu le champagne en salle de presse: c'est grâce à Cyrille Lefranc, photographe originaire de Reims, que cette première fois a été possible, merci à toi.

Au final, c'est sur les genoux que je suis rentré: le rythme des coverages est toujours fatigant, mais dans ce cas précis, je l'ai moins bien supporté, peut-être parce que je n'avais pas bougé depuis Las Vegas.

Enfin, je tiens très sincèrement à adresser un immense merci à PartyPoker.fr qui nous a accordé sa confiance pour cette première fois, et qui nous a permis de débuter en tant que River Tells sur la scène poker. Merci à Hermance Blum qui nous a donné cette chance.

Je repars dès jeudi à Enghien, pour faire la couverture photo de la finale du Barrière Poker Tour avec Cyrille Lefranc, et aider aussi Sylvain Tia pour le contenu du blog Barrière.