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mercredi 30 juin 2010

Another Day At The Rio

En retournant au Bally's hier soir, j'ai retrouvé Antonio Guerrero et sa copine, qui sont arrivés à Las Vegas il y a deux jours. Antonio est un joueur qui s'est qualifié sur Poker770 pour les event #56 et #57 des WSOP. Nous nous étions déjà rencontrés à Barcelone, lors du dernier ECPT: là aussi, il s'était qualifié sur Poker770 pour jouer le main event.

J'avais bien sympathisé avec Antonio à Barcelone, et je suis content de le revoir: on s'installe au bar du Bally's, près de la poker-room, pour boire un verre. Je les branche un peu sur les bons coins de Vegas, ce qu'il y a à faire, les incontournables, bref je les saoule pendant une bonne demi-heure, puis nous décidons d'aller faire un tour au Planet Hollywood: Jamel Maistriaux et Nicolas Duffort m'ont dit un peu plus tôt qu'ils iraient se poser en cash-game là-bas, "parce qu'il y a moins de regulars et plus de touristes, tu vois." Antonio est bien tenté par une session de cash-game, et sa copine aussi. Moi, j'ai surtout très faim, et comme toujours quand j'ai faim, l'instabilité me guette, et je peux devenir très canulant dans ces cas-là.

Nous arrivons dans le casino du Planet Hollywood, immense avec ses hauts plafonds et son atmosphère clair-obscure. Comme toujours, les tables de black-jack, Crazy Poker et autres Paï-Go Poker sont entourées de danseuses à demi-nues qui tournent autour d'un pilier métallique, ce qui a comme conséquence d'attirer les joueurs à s'installer aux sus-dites tables... et d'attirer le regard des passants comme moi, qui n'ont pas l'intention de jouer, mais bien de profiter du spectacle.

La faim me pousse à aller au Sports Bar du Miracle Shop: je commande un bon vieux Club Sandwich avec des frites à une adorable serveuse habillée en cheerleader. Une bande d'Irlandais a envahi le bar, et se livre à un Beer-Pong Contest, faisant un raffut de tous les diables. Au moins, j'ai droit à un diner-spectacle: le beer-Pong est un dérivé du "caps" que chacun de nous (ou pas) a eu l'occasion de pratiquer, mais en plus bruyant, et ça peut se jouer par équipe, pour corser un peu le jeu.

Les règles sont simples: le joueur 1 doit envoyer sa balle de ping-pong dans le verre de bière du joueur 2. S'il y parvient, le joueur 2 doit faire pareil, sinon il est condamné à vider le verre dans lequel la balle a atterri. Bien entendu, la plupart du temps, il vide le verre dans son propre gosier, ce qui entraîne généralement l'affluence de cellules d'alcool dans le sang. Un jeu à la con, quoi, mais très marrant.

Mon repas est vite envoyé, et je retourne à la poker-room du Planet Hollywood, voir si Jamel, Nico, Antonio et sa copine s'en sortent. Cette dernière est sur le banc de touche: "Cela ne s'est pas très bien passé pour moi" m'avoue-t-elle avec un petit sourire. Antonio a l'air de mieux s'en sortir. Pour Nico et Jamel, c'est carrément l'embellie: ils ont chacun deux gros stacks, entre $600 et $700 environ, chacun. Je les laisse et retourne à ma chambre au Bally's. Je regarde le début de "The Road" avant de m'écrouler sur mon lit.

Je suis réveillé à 4h30 du mat' par Jamel qui rentre se coucher.
"Alors ?"
Il me répond par un grand sourire "Ca va, j'ai pris pas mal. Nico aussi d'ailleurs." Il me raconte quelques coups, un ou deux set-ups et la tendance générale de la table... et mon réveil sonne à 11h30: Je me réveille en sursaut, je suis super en retard, j'ai dû me planter en le programmant.

Mickaël Sebban et Guillaume Darcourt jouent l'event # 51 aujourd'hui, un tournoi de No Limit Hold'em Triple Chance à $3,000 de buy-in, et dans lequel chaque joueur a la possibilité de recaver deux fois dans les 2 premiers niveaux, ou bien prendre l'intégralité de ses jetons dès le départ.

Guillaume Darcourt, pendant le $3,000 Triple Chance NLHE

je suis déjà en retard, et de plus, je dois absolument passer à l'accueil du Bally's aujourd'hui: la durée de séjour dans un hôtel est limitée à 30 jours d'affilée - pour une raison qui m'échappe - et je dois donc faire mon check-out ce matin, et refaire un check-in: en gros, je quitte la chambre et la reprends aussitôt, avec une clé différente. C'est débile, profondément administratif, une perte de temps pour le client comme pour l'hôtel, mais c'est comme ça.

Le temps de gérer ça et je file prendre la navette pour le Rio, où le tournoi a déjà commencé. A peine arrivé, je trouve Guillaume Darcourt, mais Mickaël Sebban est toujours en attente d'une place dans le tournoi. Je m'installe en salle de presse, écrit mon premier post sur le blog de la Team770, et je reçois un coup de fil de Fabrice Soulier: "Manu, t'es au Rio? J'ai besoin d'un service: je croyais que le $3,000 commençait à 17h et je m'y suis inscrit, mais il commence à midi, et en plus je suis encore dans le tournoi d'Omaha. Essaie de voir un floor manager pour lui dire que je ne joue pas, et savoir comment je peux me faire rembourser"

Ok, on va essayer de gérer ça.

"Ou plutôt, essaie de trouver Nolan Dala, je suis assez pote avec lui, dis-lui que j'ai besoin qu'il me rende ce service ok?"

J'arrive au banc de presse: le laptop de Nolan est bien là, mais pas lui. Qu'à cela ne tienne, je fonce sur le premier floor que je vois, et lui explique la situation. Il m'envoie bouler rapidement, je tente avec un autre, me disant que le premier a peut-être mal dormi, ou cuve une quelconque gueule de bois, mais j'obtiens le même résultat: il ne peut pas gérer ce problème-là. Bien.

Tentons autre chose: je m'adresse carrément au Tournament Director. Je réexplique donc la situation, un peu anxieux à l'idée de me faire envoyer bouler une fois de plus. Contre toute attente, le gars se montre patient, à l'écoute, et finit en m'assurant que si Fabsoul vient après 14h, il pourra récupérer son buy-in au bureau d'enregistrement. Non sans me faire une petite leçon de morale du style "ça va pour une fois, mais comprenez bien qu'on ne pourra pas le faire à chaque fois, etc.."
Je rappelle Fabrice, qui est visiblement soulagé: il vient d'économiser $3,000.

Je trouve enfin Mickaël Sebban, qui joue le $3,000: il est installé à une table de tueurs, en compagnie d'Antonio Esfandiari, Allen Cunningham, et Andreas Hovoid. Esfandiari appelle son resto favori, un Tex-Mex, pour se faire livrer à la table. En grand seigneur, il demande à la cantonnade si quelqu'un souhaite commander quelque chose: Mickael accepte avec plaisir. Quelques instans plus tard, ils se font livrer. Sympa Antonio.

Antonio Esfandiari, Andreas Hovoid et Mickaël Sebban


Beaucoup de Français dans ce tournoi. Je croise mon pote Julien Brécard, qui revient de Montréal où il a passé quelques jours lors du mariage d'un ami. Pascal Perrault, ancien membre de la Team770, est désormais sponsorisé par Full Tilt, et arbore la superbe tenue de Foot Américain:


L'après-midi passe vite au Rio, j'enchaîne les visites aux tables de Guillaume Darcourt et Mickaël Sebban, avant de venir up-dater le blog de la Team770. A 18h45, mon pote Harper - blogger chez Winamax - me propose de l'accompagner: lui et Ronan Monfort font une virée au In & Out Burger pour le repas du soir. Problème: j'ai mangé une salade composée à 15h, je n'ai donc pas vraiment faim. le vrai problème, c'est que depuis que j'ai dépassé le quintal, le hamburger-frites n'est plus mon ami. Il est même devenu mon ennemi préféré. Avec le Coca, cela va de soi. surtout que j'ai mangé un club-sandwich hier soir. Je reste donc raisonnable et refuse, le coeur brisé.

Je retrouve Guillaume Darcourt, Mickaël Sebban et Christophe Benzimra au All American Grill du Rio: ils profitent du diner-break pour s'envoyer un New-York Steak gros comme mon bras, tout en parlant de.... poker, what else ?

Vers 23h30, mes bonnes résolutions s'envolent: je crève la dalle, ce sera donc un sandwich poulet à la Poker Kitchen du Rio. Je me plais à croire que c'est toujours moins gras qu'un Double-Double du Inn & Out Burger, il reste néanmoins que ce n'est pas ce qu'il y a de plus équilibré.

1h15 du matin: Ma journée au Rio se termine, 10 français ont passé le jour 1 du tournoi à $3,000, dont Mickaël Sebban, Guillaume Darcourt, Julien Brécard, Christophe Benzimra... Je tape le dernier article du jour avant de retrouver ma chambre au Bally's.






mardi 29 juin 2010

Joue Un Autre Jour

28 juin 2010, 14h10 (23h10 en France)

Une nouvelle journée de poker a commencé au Rio, il y a un peu plus de deux heures. Ce matin, on a un peu merdé: Jamel était debout bien avant moi, jetlag oblige, mais j’ai par contre eu un peu de mal à émerger: j’ai regardé deux films hier soir, en V.O. tous les deux, "Wolfman" et "The Crazies". Concernant les deux films, pas de quoi en faire un fromage, c’est juste un bon divertissement, sans plus. La photographie de WolfMan est superbe, par contre. Bref, j’ai fermé les yeux vers 4h du mat’, alors que Jamel avait rejoint Morphée depuis bien longtemps.

Conséquence directe : J'ai eu un mal de chien à émerger ce matin, et si je vois les lèvres de Jamel qui bougent, le sens des mots qui en sortent n’atteint pas mon cerveau. Il réalise rapidement la situation, et a l’extrème gentillesse d’aller me chercher un café en bas, pendant que je prends ma douche.

Jamel Maistriaux, pendant le $1,500


Avec tout ça, nous sommes arrivés au Rio à midi pile, et Jamel a rejoint la longue liste des joueurs attendant de pouvoir s’inscrire pour le donkament du jour: un tournoi de NLHE à $ 1,500. Une fois que les inscriptions auront été fermées, il devrait y avoir pas loin de 2,500 joueurs, je pense. 12 heures plus tard, il en restera 400. J’ai entendu le mot « boucherie » ?

En allant aux nouvelles dans le Pavillon Room, je croise Mickaël Milliat, mon croupier préféré: il joue le $200 Deep Stack de 13h, et il est sensé rejoindre sa table: Pavillon jaune Table 144 siège 1. Problème: sa table est occupée par dix mecs qui jouent le $1,500. Une des petites incohérences inhérentes auw WSOP: il y a en permanence 5 ou 6 tournois par jour, et parfois les organisateurs s’emmêlent un peu les pinceaux.

Un autre Mickaël, Mickaël Sebban, mon pote qui est sponsorisé Poker770, est arrivé à Las Vegas hier en fin d’après midi. Ses valises ont à peine eu le temps de toucher la moquette du Bellagio, qu’il s’installait dans un tournoi : Roger Hairabédian, croisé sur place, lui a conseillé de se coucher tard s’il ne voulait pas se réveiller à quatre heures de matin, à cause du décalage horaire. Cela a plutôt bien marché : Mickaël a fait une belle deuxième dans un petit tournoi à $500 du Bellagio, empochant $4,500 au passage.


Mickaël Sebban pendant le $1,500

Quand je suis allé le voir tout à l’heure à sa table du $1,500 du Rio, il m’a confié être «comme un enfant à Noël, j’ouvre des yeux immenses et je profite de tout» C’est la première fois que Mickaël vient à Vegas, et il est en plein effet «tout est beau, c’est trop d’la balle, comment j’ai pu vivre autant de temps sans venir ici»,etc…

Vers 14h30, les croupiers préparent les tables d’un autre tournoi : le $1,000 NLHE, dont les survivants jouent actuellement le day 2. Cela me fait bizarre de voir les croupiers apporter les sacs de jetons dans des sacs poubelles. Quand on sait à quel point certains ont souffert pour monter leurs stacks, combien de bad-beat ont été infligés pour aller jusque là, je trouve ça un tantinet irrespectueux de balader les jetons dans des sacs à ordures.


En milieu d’après-midi, les joueurs $1,000 sont dans l’argent, dont une très bonne copine : Claire Renaut, bloggueuse pour Made In Poker, qui a récemment été signée par 888 Poker, et qui cumule les performances depuis quelques mois. Vous trouverez son blog ici, et son palmarès .
Ils ne sont plus que 226 joueurs sur les 3,128 inscrits, et je lui souhaite d’aller le plus loin possible dans ce tournoi.


22h: je n'ai plus rien à faire au Rio, mes deux joueurs ont sauté du $1,500 en milieu d'après-midi: il est temps pour moi de rentrer au Bally's, et de profiter d'un verre entre potes.

lundi 28 juin 2010

Pretty Wo-Man(u)

Il est 3h du matin, et je viens de rentrer au Bally’s. Nous ne sommes finalement pas allés à la villa Everest comme nous l’avions prévu, pour l’anniversaire d’Antoine Saout – apparemment il n’y avait pas ou plus grand monde à l’heure où nous nous apprêtions à nous y rendre.

Nous avons récupéré en chemin Arnaud Mattern, qui est arrivé en clopinant sur deux béquilles : il s’est cassé la cheville en jouant en tennis, et en a pour six semaines de clopinage. A défaut d’anniversaire dans une villa somptueuse – du moins c’est comme cela que Jooles me l’a décrite - nous nous sommes donc rabattus sur MargaritaVille, un bar du Harrah’s, où nous avons retrouvé Ronan Monfort, bloggueur pour la team Partouche. Le groupe qui jouait ce soir à MargaritaVille était vraiment bon, et j’y ai passé pour ma part un bon moment – très court, mais bon. J’ai rapidement pris un coup de barre, et je n’ai soudain plus eu envie de sortir. Après avoir rapidement dit au-revoir à tout le monde, je suis rentré directement au Bally’s.

J’ai passé environ dix minutes à marcher sur le strip, pour aller du Harrah’s à mon hôtel, et n’ai pu m’empêcher de remarquer à quel point la ville se transforme le week-end : les trottoirs du strip sont bondés de nanas très court vêtues – ce qui n’est pas pour me déplaire, soyons franc – et plutôt bourrées, de mecs bien alcoolisés aussi ; j’ai croisé un binôme de flics en train de passer les menottes à deux types qui avaient du mal à tenir debout, trois guitaristes du dimanche qui faisaient la manche sur le pont qui relie le Flamingo au Bally’s, et un nombre incalculable de putes, assises aux bars du Flamingo, du Bill’s Gamblin’ Hall & Saloon et du Bally’s. Je crois d’ailleurs que si je perdais la notion du temps - ce qui arrive fréquemment en fait à Vegas - je n’aurais pas besoin de sortir d’un casino pour savoir qu’on est le week-end: la concentration hallucinante de putes dans les casinos à partir de deux heures du matin est telle qu’on ne voit plus qu’elles. Alors que la prostitution est interdite à Las Vegas – et permise partout ailleurs dans le Nevada – c’est à se demander qui palpe le plus dans l’histoire : le personnel des casinos qui ferme les yeux en échange d’un billet, les patrouilles de flics qui font pareil… car il faut être honnête : ces dames sont tout sauf discrètes.

Pas plus tard qu’hier soir, Jo Mannix et moi avons quitté le Rio vers 3h du mat’, et la file d’attente pour les taxis, du côté du convention center, nous a découragés. Nous avons donc traversé tout le casino du Rio, pour aller chercher un taxi de l’autre côté. Arrivés au niveau du Sports Bar, une nana assise à un bandit manchot nous a accostés, demandant si l’un de nous avait besoin de compagnie. Tout à fait honnêtement, je n’ai pas souvenir de m’être fait accoster aussi directement par une pute dans un casino. J’ai déjà vu les regards insistants de ces demoiselles sur les clients visiblement friqués, mais jamais une approche aussi directe. Jo Mannix n’a pas du tout été choqué, m’assurant que cela a toujours été ainsi. Soit.

En rentrant, je suis tombé sur Nicolas Duffort, installé à une des tables de cash game à $1-$2 du Bally’s.
«Down de $150» me dit-il sans attendre ma question, en voyant mon regard interrogateur. «J’ai perdu $400 avec double-paire contre brelan dès que je me suis assis, depuis je me suis refait un peu. Tu te poses ?»
Non, merci. Il ne faudrait pas grand-chose pour que je cave à $200 et que je tente le coup, mais je suis vraiment crevé, et l’expérience m’a appris que, si je suis un joueur de cash-game moyen quand je suis en pleine forme, je suis franchement médiocre quand je suis fatigué et/ou bourré.

Le temps de passer à la gift & necessities shop du Bally’s pour acheter une bouteille d’eau, et me voilà allongé sur mon lit, avec la télé en bruit de fond. Je vais quand même prendre le temps de finir de taper cette ligne, et je crois bien que je vais éteindre la télé et la lumière, avant de m’écrouler sur mes oreillers pour dormir autant que je peux.

9h du matin : réveil en sursaut, la sonnerie stridente de mon téléphone U.S. déchire le silence de ma chambre. «Ouais, salut Manu, je suis arrivé à New York, là, ça va ou quoi ?»

Moi, complètement dans le gaz: «Euh, ouais, mais c’est qui ?»
Eclat de rire à l’autre bout de la ligne. «C’est Jamel, je prends ma connection tout à l’heure pour Vegas, t’es toujours ok pour la chambre ? Pense à me faire faire une clé ok ? J’arrive à six heures, à plus !» Tuut, tuut, tuut….

Une vraie tornade téléphonique, Jamel Maistriaux. J’éteins mon portable avant de fermer les yeux, pour essayer de grappiller quelques dizaines de minutes de sommeil en plus.Une fraction de seconde plus tard, mon réveil se met en marche. Je jette un œil : déjà 10h30, il a déjà dû sonner plusieurs fois. Je me lève rapidement : j’ai rendez-vous avec Jooles et Harper à onze heures au Bellagio, nous avons prévu une journée shopping. J’envoie un texto à Jooles pour le prévenir que j’aurais un peu de retard. Réponse : «idem, ça tombe bien ». Cool.

Je retrouve Jooles à 11h20, et il me dit qu’Harper a dû rentrer super-tard, pas la peine de compter sur lui, autant prendre un taxi pour aller à l’Outlet Center. Quatre heures plus tard, retour à l’hôtel, les bras chargés de sacs de fringues. Bilan plutôt favorable: je me suis offert un jean Levi’s, un T-shirt Levi’s, une paire de Van’s, une paire de D&C, un polo manches longues Ralph Lauren, trois T-Shirts Marc Ecko et une série de caleçons et chaussettes, le tout pour à peine $200. Qu’on vienne encore me dire que l’Outlet Center est une arnaque.

Jooles repart au Bellagio pour faire sa valise : il s'en retourne en France ce soir. Alors que je range mes fringues, le coup de fil reçu le matin me revient en tête : Jamel Maistriaux, mon pote qui joue sous les couleurs du Team770, atterrit à McCarran ce soir. Il a une chambre au Wynn’s à partir du 6 juillet, et d’ici là, il viendra squatter ma piaule au Bally’s.
Je suis sensé retrouver Jooles après qu’il ai fait son check-out, pour aller avec lui à l’aéroport, mais je loupe son appel sur mon portable, et lui n’a visiblement plus de batterie : je tombe directement sur sa messagerie. De toute façon, on se revoit bientôt : il revient dans huit jours pour couvrir le main event à $10,000 des WSOP.

En attendant, je suis tout content de retrouver mon pote Jamel : j’avais un peu les boules quand j’ai appris qu’il ne venait pas jouer les WSOP, puis il a réussi à se qualifier pour le main event il y a quelques jours, et du coup son sponsor l’a mis sur deux side-events à $1,500 et $1,000. Nicolas Duffort et moi l’avons attendu au bar du Bally’s, et après qu’il se soit installé, nous sommes allés manger un morceau chez Mon Ami Gaby, l’excellent restaurant pseudo-français du Paris. La bouteille de Saint-Emilion à $70 fait un peu mal au début, mais on a passé un excellent moment à trois.

Ce day-off se termine, j’ai bien l’intention de passer le reste de la soirée dans ma chambre, à mater un film avant de profiter d’une bonne nuit réparatrice : demain, je couvre l’event # 49 ($ 1,500 No Limit Hold’Em) dans lequel sont inscrits Jamel Maistriaux et Mickael Sebban.

dimanche 27 juin 2010

WSOP, day 30

Dur, le réveil, ce matin. Il est pourtant déjà 11h, et il faut que je sois au Rio pour midi, au coup d’envoi du tournoi à $ 1,000 que va jouer Nicolas Duffort. Chaud.

La fatigue commence à sérieusement s’installer, après un peu plus de deux semaines à Sin City. Le premier effet de saturation, qui arrive classiquement au bout de dix jours, a été gommé par l’escapade en hélico, et par la journée passée au lac Mead. Et heureusement, d’ailleurs : l’année dernière, j’aurais donné n’importe quoi pour pouvoir rentrer à la maison au bout de deux semaines. Le fait de passer des journées entières enfermé dans un casino, sous une lumière artificielle, esclave de l’air conditionné, est assez éprouvant : on dort mal, en ce qui me concerne je me chope immanquablement un rhume au bout de deux jours… et quand le corps commence à s’adapter, c’est le mental qui fait des siennes : on a besoin d’un peu de calme, du soleil, de l’air qui ne sente pas la boîte de conserve, et autre chose que le son des jetons qui s’entrechoquent ou des machines à sous. D’où l’utilité de prendre l’air, ce que je n’ai pas eu le temps de faire l’année dernière.

Les histoires de bad-beat, particulièrement, demandent une énorme capacité d’écoute et de détachement. Faire preuve de trop d’empathie dans ce métier, c’est se conduire soi-même jusqu’à l’échafaud, je pense. C’est pour cela que je m’efforce de ne plus m’impliquer émotionellement quand les joueurs me racontent une main. Sinon, j’aurais envie de vomir rien qu’en écoutant leurs malheurs. Et ils m’en racontent tous les jours, des malheurs, pendant les World Series Of Poker.

Je me souviens des premiers tournois que j’ai couvert, en septembre 2007. A l’époque, l’équipe que je suivais était constituée de deux joueurs : Pascal Perrault et Thomas Fougeron, qui ont tous les deux changé de sponsor depuis. Je me souviens que les premières fois où ils m’ont raconté comment ils se sont fait craquer leur paire d’As, j’avais vraiment eu mal pour eux, j’aurais préféré perdre un doigt plutôt que les voir tourner en rond comme ça. C’était invivable, je m’en rendais malade d’impuissance : que dire à un type qui vient de perdre tout espoir de gagner les 500,000 € destinés au vainqueur du tournoi ? Qui vient de passer à côté de la gloire et de la reconnaissance, moteur absolu pour la plupart des joueurs dont l’ego est généralement démesuré ? Il n’y a rien à dire, alors la plupart du temps on se tait. Mais c’est insupportable. Pour tout à fait franc, d’ailleurs, je préfère de loin quand un joueur saute par sa faute, parce qu’il a commis une erreur : au moins, il y a matière à discussion – si le joueur est capable de s’auto-analyser et de se remettre en question, tout au moins. Le débat peut même devenir constructif, j’ai parfois appris beaucoup en discutant de coups avec des joueurs comme Stephan Gérin, Nicolas Lévi ou encore Tristan Clémençon, pour ne citer qu'eux.

En milieu de journée, Nicolas Duffort est éliminé du $ 1,000. Pas d’histoire de bad beat, dans son cas, juste un mauvais spot, au pire moment qui soit, et il s’en veut beaucoup de l’avoir joué de cette manière : il a envoyé son tapis avec une main marginale suite au énième 3-bet d’un type, sauf qu’à ce moment-là, son adversaire avait une main légitime. Sentence immédiate : il est éliminé du tournoi, et il ne lui reste plus que le main event à jouer. D’ici là, j’imagine qu’il va se consacrer au cash-game : les tables du Bally’s à $1-$2 No Limit sont plutôt juteuses, d’après ce qu’on m’a dit – j’y ai personnellement perdu $300, je serais bien en peine de juger du niveau de ces tables.

Du coup, je lui ai proposé d’aller au Las Vegas Outlet Center demain, pour lui changer les idées. L’outlet Center est un Mall (comprenez : grand centre commercial) qui pratique des prix d’usine, ou presque. En gros, on y trouve toutes les grandes marques, ça va du Jean Levi’s à $35 à la paire de Converses à $39.99, en passant par les lots de T-Shirts détaxés, jouets, parfums, etc…
J’en reviens chaque année avec une pleine valise de fringues et une ou deux paires de baskets, ce qui m’évite généralement d’avoir à acheter des vêtements en France jusqu’à l’été suivant, quand je retourne à Vegas.

Vers 20h, la plupart des joueurs sont en diner-break, j’en profite pour aller me chercher un Café Latte au Starbuck’s du Rio. Preuve supplémentaire que l’ambiance gamblin ‘ de Vegas peut vous prendre à chaque instant : le voyage jusqu’au Starbucks me coûte $20.

Je croise Aurélien «Guignol» Guiglini, qui est dans le $1,000, et ce dernier me propose de me filer $20 si je parviens à ouvrir la bouteille d’eau qu’il vient d’acheter au distributeur. Mais –il y a toujours un mais- si je n’y arrive pas, c’est moi qui lui dois $20. Logique. Je lui propose de me le faire à 2 :1 (c’est-à-dire qu’il me doit $40 si je l’ouvre, et je lui donne $20 si j’échoue) et il accepte immédiatement. J’aurais dû me méfier : j’échoue lamentablement, et je lui paie son dû. A priori, au moins un autre s’y est cassé les dents : Remi Biechel a lui aussi abandonné, la bouteille restant obstinément fermée. Harper m’a d’ailleurs fait remarquer que j’aurais dû me méfier : quand Guignol accepte aussi facilement un 2 contre 1, c’est qu’il est sûr de lui.


Quelques dizaines de minutes plus tard, j’apprends que Guignol propose le coup de la bouteille à tout le monde, et en est déjà à $350 de gains, soit un rendement net de 100 fois son investissement de départ: Antony Lellouche et ElkY y auraient chacun laissé $100.

Je retrouve Stephan Gérin au Starbuck’s : lui aussi est en diner-break, il est toujours dans le tournoi de Pot Limit Omaha hi-lo à $5,000. Stephan a déjà fait une belle place payée dans le dernier tournoi qu’il a joué, là aussi un PLO hi-lo, mais à $1,500 de buy-in. Il est en forme, en confiance, et je voudrais tellement qu’il nous claque une perf’, surtout sur un tournoi aussi prestigieux que celui-ci : les meilleurs joueurs – en tout cas les plus connus – ont payé les $5,000 demandés pour y participer. Jo Mannix, mon collègue qui bosse chez PokerNews, m’a dit hier qu’il paierait cher pour s’installer à une de ces tables de tournoi, juste pour jouer quelques mains contre les légendes vivantes qui y sont installées: Phil Ivey, Doyle Brunson, Mike Matusow, Barry Greenstein, Phil Hellmuth, Chris Ferguson, Howard Lederer, Annie Duke, Daniel Negreanu….

En début de soirée (traduction : vers 23h) Stephan est éliminé du tournoi, à 18 places de l’argent. Il a perdu un coup énorme contre Phil Hellmuth juste avant que sa table ne casse, et a envoyé son tapis à sa nouvelle table avec une main plus que légitime, mais qui restera insuffisante face à celle de son adversaire. Fait chier.

Andy Black, Barry Greenstein, Stephan Gérin

Vers 23h30, je me rends à la poker kitchen qui est, pour la première fois, installée dans une salle donnant sur le corridor principal du Rio. Les autres années, la poker kitchen était située sous une immense tente, en extérieur, et proposait vraiment de la merde : des sandwichs super gras, indigestes au possible, quelques simulacres de plats chauds… Cette année, les organisateurs des WSOP ont mieux fait les choses : une pièce entière est dédiée à la cuisine, avec différents spots proposant de la bouffe chinoise, des (bons) sandwichs, hamburgers, pizzas, et surtout un stand de salades, que chacun peut composer à sa guise : chaque client dispose d’une liste d’ingrédients, et on se contente de cocher ceux qui nous font envie, avant de remettre la liste au cuisinier, qui prépare la salade sous nos yeux. C’est vraiment copieux, et excellent.

Soudain, des cris de joie retentissent dans l’Amazon Room : Gavin Smith vient de remporter son premier bracelet WSOP en Mixed Hold’em. Déjà titulaire d’un titre WPT et d’un palmarès impressionnant (il cumule plus de cinq millions de gains en tournois live), le Canadien n’avait pas encore réussi à obtenir cette consécration. Bien vu, Gavin : plus qu’un titre EPT à conquérir, et tu entreras dans le cercle hyper-fermé des porteurs de la Triple-couronne.


Il est temps pour moi de remballer : Antoine Saout fête son anniversaire ce soir, à la villa Everest, et Jooles, Harper et moi avons bien l’intention de participer à la fête.
Demain, day off : shopping à l’Outlet Center.

Shoot'em Up

Ce matin encore, je me suis levé tôt : 9 heures.

Eh oui, c’est tôt, 9 heures, pour moi, pendant les WSOP. Le motif ? J’avais rendez-vous avec Jooles et Harper à 9h45, pour aller faire un carton au stand de tir. Originellement, nous étions sensés nous rendre au Gun Store, stand de tir que j’avais expérimenté l’année passée, mais Harper – sur les conseils avisés de Benjo, ce vieux routard – nous a emmenés chez Americans Shooters, à 5 minutes du Rio, et cela en valait la peine.

C’est une expérience assez amusante, je trouve, de tirer bêtement sur une cible. De plus, cela présente plusieurs avantages. Premièrement, et c'est un fait acquis, une cible en papier se trouve dans l’incapacité de répliquer, ce qui est plutôt sécurisant et confortable pour le tireur. De plus, quand on a vidé son chargeur, le fait de savoir précisément où ont atterri nos projectiles est plutôt intéressant : que le tir soit réussi ou raté, au moins on sait où l’on se place. Enfin, il me semble le pas de tir est un bon exutoire : j’en ressors toujours vidé, mais prêt à encaisser une nouvelle journée de reporting, et de nouveaux bad-beats. C’est un bon palliatif pour se décharger nerveusement, sans faire de mal à personne ni dire des choses que l’on pourrait regretter ensuite, comme cela nous est déjà arrivé à tous.

Apparemment, Harper et Jooles ont apprécié aussi ; nous y retournerons donc probablement dans les jours qui viennent, pour essayer quelque chose de plus velu qu’un Glock 19, peut être un mini-Uzi ou un M16, histoire d’envoyer de la rafale qui pique. Si l’on continue à ce rythme-là, me direz-vous, on risque se faire recruter par une milice civile Américaine, du genre composée à 90% de vétérans du Viet-Nam et de Hell’s Angels à la retraite, des White Power déguisés en patriotes qui rêvent de faire un carton sur tout ce qui ressemble de près ou de loin à un terroriste Afghan, avec un 9 mm dans une main et leur bite dans l’autre. Eh bien non, figurez-vous. En fait, nous n’avons vu aucun nazillon au stand de tir, à peine quelques seniors américains aimant un peu trop la Bud et les T-Bone steaks, mais rien d’alarmant.




Bref, Jooles, Harper et moi avons donc consciencieusement vidé 15 chargeurs de Glock 19 dans nos cibles, avant de rendre le flingue, nous congratuler pour les scores accomplis, et nous diriger vers le Rio. A peine installés dans la salle de presse, Jooles et Harper se sont dirigés vers le Sport Bar, pour assister à la fin du match Espagne-Chili.

Le temps de poster un article sur Team770, et je les ai rejoints : nous nous sommes finalement installés au All American Bar & Grill, où les écrans ne sont pas pires qu’ailleurs pour mater du foot, et où l’on peut surtout commander à manger. Un Cheese & bacon Burger plus tard, nous sommes retournés dans l’Amazon Room, pour commencer la journée de boulot.

Pour ma part, j’avais juste Guillaume Darcourt dans le tournoi à $ 1,500 du jour, et Stephan Gérin qui arriverait plus tard, pour jouer le $ 5,000 Pot Limit Omaha hi-lo. Avec la fatigue accumulée et les courbatures dues à la journée au lac, j’ai vraiment eu du mal à tenir jusqu’à la fin de la journée, qui s’est tout de même terminée à 3h du matin, quand Stephan Gérin a emballé ses jetons de poker dans un sac plastique. Guillaume Darcourt, quant à lui, n’a pas passé le day 1 de son tournoi.

Le temps de rentrer au Bally’s, boire un verre avec Stephan en débriefant rapidement la journée, je me suis couché vers 4h. Standart.

Demain, Nicolas Duffort joue un tournoi de Hold’em à $ 1,000, une boucherie comme on en voit tous les jours ou presque au Rio. Stephan Gérin reprend son tournoi à 15h, avec un tapis au-dessus de l’average. Et je vais les suivre, essayer de comprendre leurs moves, leur logique, et voir où tout cela nous mène.

samedi 26 juin 2010

Une journée au Lac Mead

Une fois n’est pas coutume, je suis debout à 8h ce matin. A Las Vegas, c’est presque une hérésie –en tout cas en ce qui me concerne - mais aujourd’hui est une journée spéciale : nous avons prévu de passer la journée au Lake Mead, avec Christophe Benzimra et sa conjointe, Guillaume et Caroline Darcourt, Stephan et Rebecca Gérin, Emilie Bouchard, mon pote Jooles, Nicolas Levi et Coralie Nauder.


Cette journée, je l’attends depuis longtemps : le Lake Mead est le plus grand lac artificiel de l’ouest des Etats-Unis – il est la conséquence directe de la construction du barrage Hoover dans les années 30 et est devenu une gigantesque base de loisirs aquatiques. On peut y louer des bateaux sans permis pour la journée, et c’est plus ou moins ce qui est prévu pour aujourd’hui.



Je me suis levé tôt pour essayer de profiter du buffet à $10 du Side-Walk Café du Bally’s, avant de partir. Malheureusement, quand j’arrive, la longue file d’attente me décourage, et je me résigne à prendre un Breakfast Combo chez Nosh – un Venti Latte & Blueberry Muffin, rien de tel pour commencer la journée.
A 10h, je retrouve mon pote Jooles devant le Bellagio, ainsi que Stephan et Rebecca Gérin, et nous nous rendons chez Fox Rental, où nous retrouvons le reste de la bande : Guillaume et Christophe ont tous les deux une voiture de location, on embarque, c’est parti.
45 minutes plus tard, nous sommes en vue du lac Mead, et l’on décide de se rendre à la Marina pour y louer un bateau et deux jet-skis. En passant sur le ponton, nous sommes accueillis par le peuple du lac : des centaines d’énormes carpes grouillent le long de la Marina, attendant qu’on les nourrisse. Mon nouveau pire cauchemar : tomber au milieu. Je me demande bien ce qui se passerait, mais quelque part je ne tiens pas à le savoir. Je ne peux m’empêcher d’imaginer un pauvre gars tombant là-dedans, et en ressortir avec des carpes collées sur tout le corps, genre ventouses. Brrr. Passons.




Cette journée restera dans ma mémoire comme étant celle de la coupure : pendant une journée entière, nous n’avons pas parlé de poker, nous n’avons pas eu à subir le bruit des jetons omniprésent dans une poker-room, nous n’avons pas entendu le bruit des machines à sous, ni grelotté sous la climatisation. Et c’était bon.

Au lieu de cela, nous avons tranquillement navigué sur les eaux calmes du lac Mead, appréciant la fraîcheur d’une bière, piquant une tête de temps en temps. Pour ceux –dont moi- qui voulaient un peu de vitesse, les Jets-ski étaient là pour ça, et nous en avons profité

J’ai malgré tout pris un maximum de photos –on ne se refait pas- mais me suis vraiment senti détaché du boulot pendant cette journée : je l’ai appréciée comme une bonne journée passée entre amis, à discuter de tout et de rien, sans avoir besoin de s’en faire pour quoi que ce soit – à part pour l’heure peut-être, il s’agit tout de même de rendre les embarcations avant la nuit si on ne veut pas y laisser un bras.

Comme la journée ne pouvait pas finir comme elle a commencé, c’est-à-dire sereinement, il a fallu que l’on croise une embarcation en détresse sur le chemin du retour : huit Anglais qui n’avaient visiblement pas prévu suffisamment de carburant pour retourner à leur port d’attache sont logiquement tombés en panne, et, loi maritime oblige, nous avons dû les remorquer jusqu’à leur ponton.

Pendant ce temps-là, trois d’entre nous ont pris les jet-skis pour les ramener à la marina, et prévenir que nous aurions du retard. Le problème, c’est que nous sommes aux Etats-Unis, le pays des casse-couilles. Si tu ramènes pas le bateau à l’heure, on appelle les Rangers, passque c’est pô bien d’être en retard : véridique, le responsable de la société qui nous a loué les bateaux a signalé le fait aux Rangers, les flics quoi, alors que nous l’avions prévenu de la cause du retard.

Arrivés sur place, nous sommes allés nous expliquer, et Nicolas Levi a argumenté de la manière la plus simple du monde : devant un bateau en détresse et qui demande de l’aide, il y a deux solutions : on lui vient en aide ou bien on attend les secours avec lui. Dans les deux cas, le retard est inévitable. Le gars n’a pas eu d’autre choix que d’accepter l’explication, et a rappelé les Rangers pour leur signaler que tout allait bien. Sont fous, ces Ricains.

De retour à terre, nous avons repris les voitures et sommes tous allés chez les Darcourt : Guillaume et Caro ont loué une villa magnifique pour le mois, et nous avons passé la soirée sur la terrasse. Apéro d’abord, trempette dans le jacuzzi, puis barbecue : j’ai soudain hérité d’un T-bone steack d’environ quinze kilos, qui a atterri pile dans mon assiette. Je peux vous affirmer qu’il n’y est pas resté longtemps : la marine, ça creuse.

Christophe nous a ramené à nos hôtels respectifs vers 2h du matin. J’étais crevé après cette journée en plein air, mais impossible de dormir : j’en ai profité pour commencer à trier les quelques 440 photos du jour, qui sont d’ores et déjà sur Facebook.

Demain, rendez-vous à 10h avec Harper et Jooles, mes potes reporters, pour une séance de tir au Gun Store.

Welcome To Grand Canyon


Il y a quelques jours, grâce à une série de circonstances, j’ai pu réaliser quelque chose qui me faisait baver depuis longtemps : un aller-retour au Grand Canyon en hélicoptère. C’est déjà ma quatrième visite à Las Vegas, et jusque là, je ne m’étais intéressé que de loin aux compagnies qui proposent l’aventure : les prix plus que prohibitifs m’avaient immédiatement calmé.


Et soudain, il y a quelques jours de cela, ma collègue Emilie m’appelle et me dit qu’elle a réservé un hélicoptère pour le lendemain, avec Nicolas Levi, Davidi Kitai et Virginie Efira. Si ça me tente, il reste une place. Pour la modique somme de 330 dollars. Gloups.


Je suis fortement tenté, mais j’ai déjà perdu un peu d’argent en cash-game, j’ai du shopping à faire, bref je me dois d’être raisonnable : je refuse l’invitation.

Le lendemain matin, Emilie me rappelle : Davidi Kitai avait complètement oublié qu’il était inscrit dans un tournoi - $ 10,000 Pot Limit Hold’em – et il doit décommander le Grand Canyon. Problème : les places sont payées, et il est impossible de se faire rembourser. David propose de revendre sa place à moitié-prix, suis-je tenté ? Je n’ai plus aucune raison de refuser : la place est désormais dans mes prix, même si je ne l’avais pas particulièrement prévu dans mon budget, et l’idée de boire une coupe de champagne dans le Grand Canyon en compagnie d’Emilie, Virginie et Nico m’emballe vraiment. De plus, il s’agit d’un baptême en hélicoptère pour moi : j’accepte tout de suite.

Nous nous retrouvons donc à 15h20 au Bally’s, où une limousine nous attend, pour nous emmener à l’aéroport McCarran. Arrivés là, on vérifie nos identités, on nous pèse, on nous étiquette avec notre prénom et le numéro de notre hélico, puis c’est l’heure des consignes de sécurité : à lire d’abord, et pour être sûrs qu’on ait bien compris, à regarder avec attention sur un écran de télévision.

Arrive enfin le moment tant attendu : notre pilote vient nous chercher, et nous fait grimper dans l’hélico, non sans un ultime rappel des règles. Et la ballade commence.

Je suis habitué aux décollages en avion, mais la sensation ressentie en hélicoptère n’a rien à voir : on se sent réellement tiré par le haut, balloté tandis que le pilote fait du surplace, un peu comme une marionnette qui n’aurait qu’un seul fil, sortant du haut de son crâne. Une fois l’autorisation délivrée par la tour de contrôle, notre pilote a alors fait piquer du nez son appareil, et a remonté la piste avant de s’élever dans les airs, en direction du Lake Mead.

Le barrage Hoover

Le vol est superbe : on survole le désert jusqu’au lac Mead, que l’on traverse à plusieurs reprises, passant en Arizona. L’hélico est équipé d’un système audio qui nous explique le paysage que nous avons sous les yeux, par le biais de nos casques : un brin d’histoire, un peu de géo et de sciences naturelles, tandis que nous survolons Boulder-City, le barrage Hoover, le lac Mead donc, et enfin, on arrive au Grand Canyon. Et on se sent tout petit.

L’impression ressentie est assez étonnante : malgré le fait que l’on sait qu’il s’agit d’une des attractions touristiques les plus courues de Las Vegas, que tout est organisé pour que l’on se sente privilégié, tout en étant conscient que des millions d’autres paires de baskets ont foulé la poussière rouge avant nous, rien à faire, la nature prend le dessus: quand on arpente le sol de cet immense couloir rocheux, il y a un moment où l’on se sent unique, comme si l’on était le premier à venir ici, comme si l’on était prêt à planter le drapeau de la découverte. Pionnier.


Deuxième effet étonnant : on n’ose pas hausser le ton, ni crier. On parle presque tout bas, comme si l’on avait peur de déranger quelque chose de sacré, de troubler un moment d’éternité, de briser le silence et, par notre faute, que cet endroit perde un peu de sa grâce.

Au bout de dix minutes, on retourne près des hélicos, on s’installe sous une sorte de hauvent couleur camouflage, et la magie se brise instantanément. Retour aux bonnes vieilles valeurs capitalistes et touristiques : on nous fait asseoir, on nous offre une coupe de mousseux, un sandwich, une pomme, parce qu’il faut quand même qu’on en ait pour notre argent.


Le Lake Mead au retour, avec le reflet du soleil

Le vol de retour s’effectue dans un état d’esprit différent qu’à l’aller : j’ai personnellement eu une impression de perte ou de regret, et à la fois une sensation d’apaisement, et de libération. Le spectacle des reflets du soleil couchant sur la Lac Mead a achevé cette journée, juste avant de survoler le Strip, puis vient le moment du retour brutal à la réalité, presque douloureux : le bruit des machines à sous, les lumières éblouissantes, et ce besoin viscéral de consommation qui caractérise Las Vegas.

Une demi-heure plus tard, tout est oublié : nous voilà repartis dans le train-train des updates, de prise de notes des dernières mains de poker, des analyses de mains, des photos.

Mais qu’à cela ne tienne : la magie est là, tout près et pour longtemps, pour qui veut bien la saisir, ne serait-ce qu’un instant.

jeudi 24 juin 2010

J'en veux encore

Je me suis souvent dit que peu de choses valaient le prix demandé, à Las Vegas. J’y viens chaque année pour couvrir les World Series of Poker, j’y reste chaque fois entre trois et six semaines, et pourtant je fais la même constatation amère à chaque visite: on paye horriblement cher des biens et services qui n’ont de valeur que parce qu’ils sont offerts ici, à Las Vegas, la ville où l’on vous fait croire que tout est permis, que les tabous n’ont plus lieu d’être, tout en vous enfermant dans un petit monde de strass et paillettes, où la moindre bouteille d’eau de 50 cl vous est facturée 3,25 $.

Cette année fera partie des grands crus, en ce qui me concerne : j’ai été invité à deux spectacles du Cirque du Soleil : «Le Rêve» qui se joue au Wynn, et «Kà» qui est présenté au MGM Grand. Tous les deux sont grandioses, et même si la dimension aquatique du Rêve me convient mieux, je comprends sans problème tous ceux qui prétendent que Kà est le meilleur spectacle qu’ils ont vus, probablement le meilleur que l’on puisse trouver à Las Vegas, et dans le monde, tant qu'à faire. Arnaud Mattern m'a dit qu'il l'a vu au moins quinze fois, et qu'il a invariablement les larmes aux yeux devant le fameux tableau du naufrage, quand une femme coule tout doucement dans les profondeurs de l'océan - l'illusion est parfaite, et je peux vous dire qu'à ce moment-là, notre plus cher désir est de couler avec elle.

Et, je l’admets sans rougir, j’ai moi aussi eu les larmes aux yeux devants la fluidité des gymnastes et danseurs(euses) du Rêve, devant les tableaux à la fois hyper-violents et poétiques de Kà. Je suis même resté bouche bée devant la séquence ininterrompue de plongeons mélangés aux passes de haute-voltige lors du final du Rêve, et ai sursauté de peur quand des archers Asiatiques se sont matérialisés juste à côté de mon fauteuil, dans la salle de spectacle du MGM.

Mais ce qui m’a fait le plus d’effet ne m’a rien coûté. Et par conséquent – ou bien par opposition, à votre guise – cela n’a pas de prix. C’est un moment qui a duré quelques minutes seulement, et qui restera gravé dans ma mémoire.

Ce moment, c’est l’instant précis où Vanessa Hellebuick a remporté le Ladies Event des World Series Of Poker 2010. Elle avait passé les heures précédentes à attendre patiemment son moment, puis avait trouvé de bonnes configurations, qui lui avaient permis de prendre le chip lead de la table. Et elle avait alors commencé une opération de matraquage sur ses adversaires, finissant en heads-up contre Sidsel Boesen en ayant une large avance en jetons. La main finale, comme bien souvent, est un coin-flip : paire de Cinq pour Vanessa contre Neuf-Dix pour Sidsel Boesen. La paire de Cinq a tenu, et Vanessa a remporté le titre de Championne du Monde lors du Ladies Event, après trois jours de poker intense.


Ce faisant, elle a accompli quelque chose d’inégalable : Vanessa Hellebuick est la première femme Française à remporter un bracelet des WSOP. Elle est également la première joueuse à ramener un bracelet des WSOP dans son équipe, la Team770, pour qui je couvre les tournois de Poker autour du monde depuis bientôt trois ans. Voir des joueurs Français que j’admire et que je respecte profondément, comme Fabrice Soulier et sa compagne Claire Renaut pour ne citer qu'eux, avoir les larmes aux yeux devant l’exploit accompli, est probablement ce qui m’a le plus touché.

Grâce à Vanessa, et pour la première fois dans l’histoire des WSOP, la Marseillaise a été reprise à tue-tête par tous les Français présents au Rio, le lendemain de sa victoire, lorsque Jack Eiffel lui a remis son bracelet paré de diamants.

Pour ma part, je suis sorti de là en larmes : la tension émotionnelle était très forte durant cette courte cérémonie – il faut dire aussi que je fais partie, pour mon plus grands malheur, des gens dotés d’une hyper-sensibilité à absolument tout. Un épisode de Starsky et Hutch se termine mal, pouf, je chiale. Fin de la parenthèse.

Je considère ce titre comme une consécration, après trois années à suivre la Team770, trois années de décalages horaires, de recherche des hôtels présentant le meilleur rapport qualité-prix, de bousculades dans les aéroports et dans les gares, d’attente dans les files de taxis, de malbouffe...

Trois années de déceptions, aussi, quand votre poulain échoue à quelques places de la sacro-sainte table finale, quand la succession de bad-runs donne l’impression de ne vouloir jamais s’arrêter. Trois années à écouter les bad-beats de vos joueurs, les voir s’étioler à mesure qu’ils encaissent les échecs, les voir douter d’eux-mêmes pour finalement constater qu’ils déjouent, qu’ils régressent, qu’ils en ont assez de se remettre en question, et inconsciemment, finissent par accepter l’idée que le sort et les Dieux du Poker se liguent contre eux. Qu’ils seront perdants, quoi qu’il arrive, parce qu’ils ne savent plus quoi faire pour changer cela. Et rester là, les bras ballants, à ne pas savoir quoi dire, hormis : « Ouais, mec, t’as bien joué, t’as pas eu de bol… »

Parce qu’il y a un moment où toutes les analyses du monde, aussi fines et aiguisées soient-elles, toutes les statistiques et les probabilités, toutes les phrases du style : « Sur le long terme, tu es gagnant, tu le sais », tout cela ne suffit plus, et ne change pas le fait qu’on a perdu, encore, et encore, et encore.
Et que le vent ne tourne toujours pas.

J’ai envie de croire que Vanessa a inversé la tendance. J’ai aussi envie de lui faire comprendre à quel point c’est important, ce qu’elle a accompli, pour nous, les reporters : on roule, on vit, pour ces moments-là. Fais autant de places payées que tu veux, Bro, mais rien ne vaut une victoire.

Le vent avait déjà commencé à tourner en avril, lorsque Guillaume Darcourt a remporté le World Poker Tour de Bucarest, offrant son premier titre à la Team770, et encaissant au passage 144,530 €. N’étant pas là pour y assister, l’effet avait curieusement été amoindri par la distance: je couvrais l’Irish Open of Poker de Dublin, à ce moment-là, et ce n’est vraiment qu’une fois rentré en France que j’ai réalisé l’avancée accomplie par Guillaume. Avec la confirmation apportée par Vanessa Hellebuick, nous pouvons désormais nous enorgueillir de deux titres internationaux, ce qui manquait cruellement à l'équipe jusqu’à présent.

Mais ce qu’ils ont accompli tous les deux, à quelques mois d’intervalle, est encore plus fort pour moi, car cela me concerne directement : ils m’ont réconcilié avec le poker. M’ont de nouveau permis de croire que cela n’était pas seulement un jeu de cartes, ni de chance, m’ont fait de nouveau ressentir toute l’intensité d’un turn et d’une river quand un titre et plusieurs centaines de milliers de dollars sont en jeu. Ils m’ont redonné le goût de la critique, de l’analyse, la soif d’apprendre. L’envie de jouer, de travailler mon jeu, de tout recommencer depuis le début. La motivation.

Merci.

J’en veux encore.