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dimanche 27 juin 2010

WSOP, day 30

Dur, le réveil, ce matin. Il est pourtant déjà 11h, et il faut que je sois au Rio pour midi, au coup d’envoi du tournoi à $ 1,000 que va jouer Nicolas Duffort. Chaud.

La fatigue commence à sérieusement s’installer, après un peu plus de deux semaines à Sin City. Le premier effet de saturation, qui arrive classiquement au bout de dix jours, a été gommé par l’escapade en hélico, et par la journée passée au lac Mead. Et heureusement, d’ailleurs : l’année dernière, j’aurais donné n’importe quoi pour pouvoir rentrer à la maison au bout de deux semaines. Le fait de passer des journées entières enfermé dans un casino, sous une lumière artificielle, esclave de l’air conditionné, est assez éprouvant : on dort mal, en ce qui me concerne je me chope immanquablement un rhume au bout de deux jours… et quand le corps commence à s’adapter, c’est le mental qui fait des siennes : on a besoin d’un peu de calme, du soleil, de l’air qui ne sente pas la boîte de conserve, et autre chose que le son des jetons qui s’entrechoquent ou des machines à sous. D’où l’utilité de prendre l’air, ce que je n’ai pas eu le temps de faire l’année dernière.

Les histoires de bad-beat, particulièrement, demandent une énorme capacité d’écoute et de détachement. Faire preuve de trop d’empathie dans ce métier, c’est se conduire soi-même jusqu’à l’échafaud, je pense. C’est pour cela que je m’efforce de ne plus m’impliquer émotionellement quand les joueurs me racontent une main. Sinon, j’aurais envie de vomir rien qu’en écoutant leurs malheurs. Et ils m’en racontent tous les jours, des malheurs, pendant les World Series Of Poker.

Je me souviens des premiers tournois que j’ai couvert, en septembre 2007. A l’époque, l’équipe que je suivais était constituée de deux joueurs : Pascal Perrault et Thomas Fougeron, qui ont tous les deux changé de sponsor depuis. Je me souviens que les premières fois où ils m’ont raconté comment ils se sont fait craquer leur paire d’As, j’avais vraiment eu mal pour eux, j’aurais préféré perdre un doigt plutôt que les voir tourner en rond comme ça. C’était invivable, je m’en rendais malade d’impuissance : que dire à un type qui vient de perdre tout espoir de gagner les 500,000 € destinés au vainqueur du tournoi ? Qui vient de passer à côté de la gloire et de la reconnaissance, moteur absolu pour la plupart des joueurs dont l’ego est généralement démesuré ? Il n’y a rien à dire, alors la plupart du temps on se tait. Mais c’est insupportable. Pour tout à fait franc, d’ailleurs, je préfère de loin quand un joueur saute par sa faute, parce qu’il a commis une erreur : au moins, il y a matière à discussion – si le joueur est capable de s’auto-analyser et de se remettre en question, tout au moins. Le débat peut même devenir constructif, j’ai parfois appris beaucoup en discutant de coups avec des joueurs comme Stephan Gérin, Nicolas Lévi ou encore Tristan Clémençon, pour ne citer qu'eux.

En milieu de journée, Nicolas Duffort est éliminé du $ 1,000. Pas d’histoire de bad beat, dans son cas, juste un mauvais spot, au pire moment qui soit, et il s’en veut beaucoup de l’avoir joué de cette manière : il a envoyé son tapis avec une main marginale suite au énième 3-bet d’un type, sauf qu’à ce moment-là, son adversaire avait une main légitime. Sentence immédiate : il est éliminé du tournoi, et il ne lui reste plus que le main event à jouer. D’ici là, j’imagine qu’il va se consacrer au cash-game : les tables du Bally’s à $1-$2 No Limit sont plutôt juteuses, d’après ce qu’on m’a dit – j’y ai personnellement perdu $300, je serais bien en peine de juger du niveau de ces tables.

Du coup, je lui ai proposé d’aller au Las Vegas Outlet Center demain, pour lui changer les idées. L’outlet Center est un Mall (comprenez : grand centre commercial) qui pratique des prix d’usine, ou presque. En gros, on y trouve toutes les grandes marques, ça va du Jean Levi’s à $35 à la paire de Converses à $39.99, en passant par les lots de T-Shirts détaxés, jouets, parfums, etc…
J’en reviens chaque année avec une pleine valise de fringues et une ou deux paires de baskets, ce qui m’évite généralement d’avoir à acheter des vêtements en France jusqu’à l’été suivant, quand je retourne à Vegas.

Vers 20h, la plupart des joueurs sont en diner-break, j’en profite pour aller me chercher un Café Latte au Starbuck’s du Rio. Preuve supplémentaire que l’ambiance gamblin ‘ de Vegas peut vous prendre à chaque instant : le voyage jusqu’au Starbucks me coûte $20.

Je croise Aurélien «Guignol» Guiglini, qui est dans le $1,000, et ce dernier me propose de me filer $20 si je parviens à ouvrir la bouteille d’eau qu’il vient d’acheter au distributeur. Mais –il y a toujours un mais- si je n’y arrive pas, c’est moi qui lui dois $20. Logique. Je lui propose de me le faire à 2 :1 (c’est-à-dire qu’il me doit $40 si je l’ouvre, et je lui donne $20 si j’échoue) et il accepte immédiatement. J’aurais dû me méfier : j’échoue lamentablement, et je lui paie son dû. A priori, au moins un autre s’y est cassé les dents : Remi Biechel a lui aussi abandonné, la bouteille restant obstinément fermée. Harper m’a d’ailleurs fait remarquer que j’aurais dû me méfier : quand Guignol accepte aussi facilement un 2 contre 1, c’est qu’il est sûr de lui.


Quelques dizaines de minutes plus tard, j’apprends que Guignol propose le coup de la bouteille à tout le monde, et en est déjà à $350 de gains, soit un rendement net de 100 fois son investissement de départ: Antony Lellouche et ElkY y auraient chacun laissé $100.

Je retrouve Stephan Gérin au Starbuck’s : lui aussi est en diner-break, il est toujours dans le tournoi de Pot Limit Omaha hi-lo à $5,000. Stephan a déjà fait une belle place payée dans le dernier tournoi qu’il a joué, là aussi un PLO hi-lo, mais à $1,500 de buy-in. Il est en forme, en confiance, et je voudrais tellement qu’il nous claque une perf’, surtout sur un tournoi aussi prestigieux que celui-ci : les meilleurs joueurs – en tout cas les plus connus – ont payé les $5,000 demandés pour y participer. Jo Mannix, mon collègue qui bosse chez PokerNews, m’a dit hier qu’il paierait cher pour s’installer à une de ces tables de tournoi, juste pour jouer quelques mains contre les légendes vivantes qui y sont installées: Phil Ivey, Doyle Brunson, Mike Matusow, Barry Greenstein, Phil Hellmuth, Chris Ferguson, Howard Lederer, Annie Duke, Daniel Negreanu….

En début de soirée (traduction : vers 23h) Stephan est éliminé du tournoi, à 18 places de l’argent. Il a perdu un coup énorme contre Phil Hellmuth juste avant que sa table ne casse, et a envoyé son tapis à sa nouvelle table avec une main plus que légitime, mais qui restera insuffisante face à celle de son adversaire. Fait chier.

Andy Black, Barry Greenstein, Stephan Gérin

Vers 23h30, je me rends à la poker kitchen qui est, pour la première fois, installée dans une salle donnant sur le corridor principal du Rio. Les autres années, la poker kitchen était située sous une immense tente, en extérieur, et proposait vraiment de la merde : des sandwichs super gras, indigestes au possible, quelques simulacres de plats chauds… Cette année, les organisateurs des WSOP ont mieux fait les choses : une pièce entière est dédiée à la cuisine, avec différents spots proposant de la bouffe chinoise, des (bons) sandwichs, hamburgers, pizzas, et surtout un stand de salades, que chacun peut composer à sa guise : chaque client dispose d’une liste d’ingrédients, et on se contente de cocher ceux qui nous font envie, avant de remettre la liste au cuisinier, qui prépare la salade sous nos yeux. C’est vraiment copieux, et excellent.

Soudain, des cris de joie retentissent dans l’Amazon Room : Gavin Smith vient de remporter son premier bracelet WSOP en Mixed Hold’em. Déjà titulaire d’un titre WPT et d’un palmarès impressionnant (il cumule plus de cinq millions de gains en tournois live), le Canadien n’avait pas encore réussi à obtenir cette consécration. Bien vu, Gavin : plus qu’un titre EPT à conquérir, et tu entreras dans le cercle hyper-fermé des porteurs de la Triple-couronne.


Il est temps pour moi de remballer : Antoine Saout fête son anniversaire ce soir, à la villa Everest, et Jooles, Harper et moi avons bien l’intention de participer à la fête.
Demain, day off : shopping à l’Outlet Center.

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