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samedi 3 juillet 2010

Feed Your Wild Side

Ce début de journée ressemble fort à une gueule de bois, bien que je n'en ressente pas les effets physiques: la fin de soirée a été plutôt calme, hier soir. Mais je reviens aujourd'hui au Rio avec un effet de brusque retour à la réalité, après la fièvre qui nous a consumés hier, lorsque Guillaume a frôlé l'exploit. C'est très frustrant de voir tout le monde continuer à vivre normalement après ça, comme si de rien n'était, alors qu'il a, dans le même temps, réussi une magnifique performance et loupé la consécration ultime d'un joueur de poker... Je dois bien l'avouer, l'effet est d'ailleurs plutôt pervers, mais je lui en voulais un peu, hier soir. Pas beaucoup, et certainement pas autant qu'il s'en voulait à lui-même, mais il n'y a rien à faire, quand votre joueur vous emmène avec lui dans sa course au titre, vous ne pouvez pas vous empêcher de lui en vouloir quand il s'arrête à quelques mètres de la ligne d'arrivée.

Ce sentiment a rapidement été oublié, bien sûr, au vu de la performance accomplie, d'autant que Guillaume et Caro nous ont invités chez eux, ont sorti les bouteilles, et nous avons passé un moment très agréable sur la terrasse, près de la piscine, à refaire la finale, le tournoi, le monde... Ce genre de debriefing permet souvent de faire passer la déception à un plan relatif, et oblige à se recentrer sur ce qui reste à venir: en l'occurrence, le $2,500 No Limit Hold'em d'aujourd'hui, pour commencer. Moins de 24h après sa troisième place dans un tournoi des WSOP, Guillaume rattaque le bousin, redémarre avec une cave de 7,500 jetons. Et pour y retourner dans de bonnes conditions, il avait besoin de faire le point, ce qu'il a pu faire hier, entouré de sa famille et de ses amis.

J'ai pour ma part choisi d'assumer un rôle que je n'aime pas. Hier soir, je me suis senti obligé d'expliquer à Guillaume pourquoi sa tâche en table finale aurait été ardue, quoi qu'il arrive, même s'il n'avait pas fait d'erreurs: ses deux adversaires étaient tout simplement plus forts que lui. Il l'avait déjà compris, et admis, et au lieu de se braquer comme je l'aurais certainement fait si j'avais été à sa place, il y a trouvé une opportunité pour travailler son poker, se remettre en question, et revoir les coups qui ont suivi son retour à la table après le dinner-break.
"Je ne serais probablement jamais un technicien affuté comme toi" disait-il hier soir à Stephan Gérin, "parce que je fais partie des joueurs qui fonctionnent aussi à l'instinct. Je peux certainement faire progresser mon bagage technique, mais j'aurais du mal à faire taire mon côté instinctif." C'est probablement aussi pour cette raison que Guillaume est tellement décrié au sein de la communauté des joueurs Français: les coups d'extra-terrestre qu'il assène parfois à ses adversaires ne font pas partie des écoles actuelles du poker, sont parfois difficiles à expliquer, et mathématiquement non rentables sur le long terme. Mais c'est son style de jeu, il s'éclate en le pratiquant, et il y a des soirs où je l'envie beaucoup d'avoir ce détachement.
J'en serais tout bonnement incapable.

La soirée s'est tranquillement terminée chez les Darcourt, avec un passage potentiellement comique: Katherina, l'adorable conjointe de Christophe Benzimra, s'est mis en tête de m'apprendre comment boire de la vodka sans ressentir les effets de l'alcool. Enfin, je devrais plutôt dire: pour retarder les effets de l'alcool. C'était assez ludique. Non, je ne vous livrerai pas sa méthode, z'aviez qu'à être là.

Christophe Benzimra m'a ensuite déposé au Bally's vers 3h du matin, et quelques minutes plus tard, je ronflais.

Vers 16h, je suis revenu au Rio pour couvrir l'avant-dernier tournoi des WSOP: une épreuve de No Limit Hold'Em à $2,500 de buy-in, qui avait réuni 1,088 joueurs l'année dernière. Cette année, ce tournoi en attire presque le double.

On sent que le Rio se remplit jour après jour. Avec l'imminence du main event, qui rassemblera plus de 6,500 participants, les joueurs arrivent à Las Vegas par fournées entières, et l'ambiance s'électrise un peu. Les World Series Of Poker sont à quelques jours d'entamer leur dernière ligne droite, jusqu'à leur déclin qui commencera dans la deuxième quinzaine de juillet, pour se terminer tout à fait le 18 juillet, jour où nous atteindrons la table finale du main event. les couloirs du Rio auront déjà commencé à se vider graduellement, pour être alors complètement déserts. Les neuf derniers joueurs - et tous les fans de poker - devront ensuite patienter plus de trois mois pour connaître la fin de l'histoire: comme chaque année depuis deux ans, ESPN impose une table finale décalée en novembre, pour des raisons de suspense télévisuel. Cela leur laisse le temps de monter et diffuser toutes les émissions dont ils auront réalisé le tournage pendant les WSOP, avant de retransmettre la table finale. Cela tue la dynamique du tournoi, bien entendu, mais qu'est ce que ça vaut, face aux exigences d'ESPN ?

D'ailleurs, puisqu'on parle de sponsors, en voici un que je ne m'explique pas: le plus gros sponsor des WSOP - du moins celui qui est le plus présent visuellement - s'appelle Jack Link's, et distribue... de la viande de boeuf séchée.
Je pense pouvoir dire sans trop prendre de risques qu'il s'agit d'un produit qu'on ne trouve pas dans toutes les cuisines, même aux Etats-unis. Et pourtant, Jack a dû débourser une belle somme pour s'offrir une omniprésence pareille sur les WSOP. Son slogan "Feed Yout Wild Side" (Nourrissez Votre Côté Sauvage) correspond assez bien à la plupart des joueurs de Poker que je connais, pour être tout à fait franc, mais j'ai goûté au produit, et je peux vous dire que je n'ai pas été particulièrement emballé - et mon côté sauvage non plus, d'ailleurs. En 2009, l'année où Jack Link's a signé son premier contrat de sponsoring avec Harrah's pour les WSOP, une promotion nommée "Stacked Jacks Go Wild" a été lancée pendant le main event: si un joueur touchait un carré de Valets (Jacks en Anglais) il recevait un lot de viande de boeuf séchée Jack Link's, pour une valeur de $100. A quoi Daniel Negreanu aurait répondu que tant que Jack Link's ne proposerait pas de boeuf séché végétarien, ils pourraient refiler son lot à quelqu'un d'autre.



J'ai vraiment hâte d'attaquer la couverture du main event. Je ne peux m'empêcher de considérer tous les tournois qui précèdent comme des préliminaires. Savamment distillés, avec tout leur potentiel émotionnel et parfois -souvent- explosif, mais juste des préliminaires. Il suffit d'ailleurs d'observer l'ambiance qui règne au Rio: la tension augmente jour après jour, les conversations sont axées autour du main event, il y a de plus en plus de gens qui déambulent dans les couloirs situés entre Amazon et Pavillon Room, les poker-room online ont ouvert leurs lounges.... tout est prêt pour recevoir le mega-donkament de l'année, le tournoi auquel tout joueur de poker rêve de participer, encore plus depuis qu'Antoine Saout a perfé l'année dernière.

Thomas Fougeron m'a dit un jour que le fait d'entendre Jack Eiffel prononcer le "Shuffle Up And Deal" rituel des débuts de tournoi valait à lui seul les $10,000 de buy-in... Thomas a toujours aimé les phrases grandiloquentes, mais je crois que j'arrive presque à comprendre ce qu'il a voulu dire: lorsque Jack Eiffel prononce ces quatre mots, et que les croupiers distribuent la première main, un silence brutal s'abat sur la poker-room, pour ne laisser la place qu'à un seul bruit, assourdissant celui-là: le bruit des jetons qui s'entrechoquent, maniés par les joueurs. Invariablement, un frisson court le long de ma nuque à ce moment précis, alors que j'y ai toujours assisté en spectateur. C'est dire ce que doivent ressentir les joueurs, quand ils y participent pour la première fois.

Alors que je check mes mails, je lis celui que Seth Palansky vient d'envoyer à tous les bloggueurs accrédités: il semblerait que les WSOP 2010 aient battu un record de participation. Le main event n'a pas encore eu lieu, et pourtant le Rio a déjà reçu plus de joueurs que l'année dernière: 63,706 gambleurs sont déjà passés par le bureau d'inscription du Rio, générant un prize-pool total qui excède les 100 millions de dollars. Ce sont des chiffres tellement énormes que j'ai du mal à les appréhender, en fait. Fin de la parenthèse statistique.

Vers 23h30, Guillaume Darcourt est éliminé de l'event #56. Il passe alors à la caisse du Rio pour retirer ses gains de la veille, et c'est là que j'ai eu l'occasion (pour la première fois de ma vie) de tenir $200,000 en cash dans mes mains. Et vous savez quoi ? Quand Guillaume m'a dit presque négligemment "Manu, tiens-moi ça une seconde s'il te plait" (bon, d'accord, il ne l'a pas tout à fait dit comme ça), mon premier réflexe a été de refuser. Je ne m'explique pas pourquoi. C'est juste de l'argent, ça ne va pas me faire du mal - du moins pas tout de suite, surtout s'il ne m'appartient pas - et je ne risque pas de le perdre, à priori. Pourtant, j'ai gardé les quatre énormes liasses de Franklin moins de cinq secondes dans les mains, ce qui a bien fait marrer Guillaume, d'ailleurs...



Guillaume Darcourt juste après être passé à la caisse

Les deux semaines qui s'annoncent risquent d'être éprouvantes: Guillaume nous prépare une soirée de derrière les fagots pour fêter sa performance, et dans la foulée le main event commencera. Les soirées vont se succéder sur le strip le soir du 4 juillet, pour la fête nationale Américaine, et les derniers qualifiés Poker770 débarqueront à Las Vegas le 6 juillet. Guillaume et Caro (encore eux) se marient le 7, mes qualifiés jouent le main event le 8... Il y a un day off le 11, qui sera occupé à jouer le tournoi des medias, et ensuite on ne s'arrête plus jusqu'au 18, date du retour à la maison, en ce qui me concerne. Je crois que la matinée de demain sera consacrée à la piscine, un bon bouquin dans une main, et un verre dans l'autre.




Quizz du jour:Derrière un de ces deux hoodies se cache Michaël Sebban, lequel ?

2 commentaires:

  1. Sympa ce blog Manu ;) Pour le jeu des hoodies, je dirais à... droite ! Alex

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  2. Salut Greg! Raté, c'est celui de gauche. Encore un flip perdu!

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