Ce que vous cherchez

jeudi 15 juillet 2010

Oh Shit, I Hate Frenchies

Bill's Gamblin' Hall & Saloon

Hier, Jooles m'a tanné une bonne partie de la journée pour qu'on aille jouer un peu en cash-game à la table $0,5-$1 du Bill's. Je n'étais pas particulièrement chaud -je rappelle que je suis tout sauf un cash-gamer- mais il a fini par me convaincre, notamment en me finançant à 50% sur ma première cave. Oui, c'est vrai, je suis vénal.

Bref, en sortant du Rio après une journée de coverage, Jooles et moi avons donc sauté dans un taxi, puis nous sommes dirigés d'un pas guilleret vers le Bill's et ses tables de poker qui sentent la brokitude à plein nez. Le temps de commander une bière au bar de la poker-room, et deux places se libèrent: Jooles et moi cavons pour $100, et nous nous retrouvons côte à côte à la table, il est une heure et demie du mat'.
"Y'a pas beaucoup d'argent sur la table, mais on va les raser quand même" me glisse Jooles alors que la croupière distribue la première main.

Un petit tour d'horizon: à ma gauche, Jooles, là ça va. Ensuite, un Mexicain qui arbore une arcade sourcilière tellement développée qu'on le dirait tout droit sorti de la Guerre Du Feu, vous savez ce film dans lequel des hommes de cro-magnon passent leur temps à se mettre sur la gueule pour une étincelle. A sa gauche, un degen qui ne bouge pas d'un pouce, à part pour pomper sur la paille qui émerge de son verre.
Dans le virage, on a un type, la quarantaine environ, que j'appellerai Craby: c'est écrit sur sa figure qu'il ne daignera jouer qu'avec deux As. A ses côtés, un mec dans les 25 ans, qui a cavé au minimum, qui aime bien mettre un straddle à $2 avant de folder sur la moindre relance préflop. Il fera d'ailleurs deux relances préflop avant de spew sa cave et de repartir comme il est arrivé, dans l'indifférence générale. Et enfin, directement à ma droite, un vieux Texan style fort-knox, et un autre au profil de calling-station.

Et la croupière, bien sûr. N'oublions pas la croupière, une Asiatique qui doit compter une bonne cinquantaine d'année, et dont l'accent fleure bon le boat-people. Je mets d'ailleurs un certain temps à comprendre que "Hid-yioup" signifie "Heads-Up". A deux reprises, les joueurs doivent intervenir car elle hésite visiblement sur la personne à qui attribuer le pot, dans un coup plutôt évident, genre double-paire contre quinte par exemple.

Au bout de quinze minutes environ, elle se fait remplacer, et tout le monde pousse un imperceptible soupir de soulagement. Mais elle ne nous fiche pas la paix pour autant: Madame est polyvalente, et tandis que son collègue prend sa place, elle ramasse les verres à la table, les racks sous la table, fait bouger les joueurs pour nettoyer sous leurs sièges... tout ceci part d'une bonne intention, mais c'est plutôt gênant quand on est dans un coup.

En bref, ça se passe plutôt bien pour Jooles et moi: lui monte un beau petit tas de jetons, et je gagne quelques coups également, dont un plutôt standard: je raise préflop avec As-Roi, en bonne serrure que je suis, et une autre serrure call. Le flop m'apporte un As, je bet, le gars check-call. Le turn est un blank: idem. La river n'apporte rien de plus, et mon adversaire donk-bet à tapis, pour $21. Je fais le call, il retourne As-Dame et pousse un soupir de frustration en voyant ma main, et quitte la table. Jooles va lui aussi proprement décaver un joueur, lors de la main suivante.
Problème: les joueurs ne recavent pas, et l'on se retrouve bientôt à quatre. Il y a six joueurs sur la table voisine, nous décidons donc de nous rassembler à dix.

Et là, c'est le drame. Un Amérloque pur jus, d'une trentaine d'année probablement, est installé juste en face du croupier, et son taux d'alcoolémie doit frôler l'inimaginable. Il propose des cocktails à tout le monde -plutôt confortable, puisqu'il ne les paie pas- et laisse des tips astronomiques au croupier. C'est bien simple: dès qu'il gagne un coup, il ne garde que les jetons de $5 et donne tous les $1 au croupier. Lorsque nous nous installons, il nous demande d'où nous venons. "From France" répond Jooles.

"Oh shhhhhit" répond l'ivrogne. "I hate Frenchies."

"You French Guys Never Give Tips"

Et le voilà parti dans une diatribe contre les Français, qui sont nuls au foot, qui ne laissent jamais de pourboires, qui piquent les gonzesses des autres.... Il est plutôt marrant au début, mais les insultes viennent rapidement, et personne ne lui dit rien: le croupier n'a probablement pas envie de perdre ses pourboires monstrueux, et le gars est plutôt costaud, ce qui fait que les autres joueurs se contentent de nous regarder en hochant la tête d'un air navré.

J'ai travaillé dans un bar pendant plusieurs années, je devrais donc avoir la patience nécessaire pour supporter ce genre de comportement. Pourtant, rien à faire: je sens que ça monte. Je vais avoir envie de lui rabattre son caquet, à cet espèce de crétin, et de lui prendre tous ses jetons, quitte à faire une boulette. En gros, il est en train de me mettre en tilt. Je perds un premier coup, revenant à ma cave de départ, et voyant que le gars continue son monologue, me lançant régulièrement un "Hey, what ya think 'bout that, fuckin' Frenchie, mmh?" en misant un gros paquet de jetons, je préfère quitter la table, break even.

Tant pis, on se fera les raccros du Bill's un autre jour.

Il est trois heures du mat', je vérifie qu'il y a de la place au Victoria pour manger leur steak & eggs à $5, et je retourne à la table: Jooles se lève aussi, excédé. Les autres joueurs nous regardent en s'excusant, l'air impuissant: le comportement de leur compatriote les gêne énormément, mais que pourraient-ils bien faire ? Lui dire de rester poli ? Mec bourré n'a pas d'oreille, c'est bien connu.
Jooles est tout de même bénéficiaire de $150, et m'offre le repas au Victoria, avant que nous rejoignions tous les deux notre hôtel.

Glou-glou

Arrivé dans ma chambre, je prends une connection internet: les hôtels proposent une connection à $15 par jour, c'est hors de prix mais je vais en avoir besoin. J'en profite pour appeler ma chérie sur skype, vers 4 heures du mat' -il est 13h à la maison, et nous passons un bon moment à papoter.
Je me couche enfin vers 5h, pour me réveiller trois heures plus tard: il y a visiblement un problème de tuyauterie, j'entends des glouglous qui viennent de ma salle de bain. Je jette un œil: rien. J'appelle l'accueil pour signaler le problème: ils sont désolés, mais le circuit d'eau est en réparation dans la tour où est située ma chambre, et je risque d'être ennuyé une partie de la matinée. Puis-je avoir une autre chambre pour aujourd'hui, dans ce cas?
"Nous sommes désolés Monsieur, toutes les chambres de l'autre tour sont réservées."
Mon cul.
"J'ai vraiment besoin de dormir, je suis sûr que vous allez me trouver une solution...."
"Je n'ai rien à proposer pour le moment, je vois mon manager et je vous rappelle."

Je surfe un peu sur internet, regarde un film, rappelle la réception sans résultat, et j'arrive enfin à me rendormir vers midi, pour me réveiller vers 16h, en sursaut et en nage: la clim' est stoppée, j'ai laissé les rideaux ouverts, et il fait une chaleur d'ours dans la chambre.
Comme souvent, c'est le téléphone qui m'a réveillé, sauf que cette fois-ci, ce n'est pas mon portable: c'est la réception qui me rappelle.
"Monsieur, nous avons le plaisir de vous informer que les travaux dans votre tour sont terminés, vous allez pouvoir vous reposer. Nous sommes désolés pour le désagrément que cela vous a causé."
Je raccroche, furieux, sans même penser à gratter un dédommagement.

Beef Rice Noodles & Diet Coke

Vers 18h, j'appelle Guillaume Darcourt, pour savoir si je peux passer à sa villa demain: une après-midi piscine/ping-pong/bière fraîche me semble toute indiquée.
"Je te rappelle tout à l'heure, je vais organiser un truc."
Une heure plus tard, il me rappelle:
"Ok, rendez-vous demain à la villa, pour un après-midi glandouille-piscine, et barbecue le soir. Il y aura Christophe (Benzimra) et Katherine, Thomas (Bichon), Fabrice (Soulier) et Claire, et nous."
Cool, ça. Un genre de pool-party rien qu'à nous, avant de quitter Sin-City, avec T-bone steak au menu le soir.

Dans la foulée, Antonio m'appelle: le qualifié Poker770 quitte Las Vegas demain, et me propose de dîner avec lui et Stéphanie, sa chère et tendre. J'accepte avec plaisir, et les retrouve une demi-heure plus tard au bar du Bally's. Le temps de siroter une bière, on discute de tout et de rien, et surtout de téléphone: mon Iphone est définitivement mort suite à une chute inopinée dans la piscine, et le sien vient de planter, restant bloqué sur l'écran de démarrage, et ça le rend tout malheureux.
Je propose d'aller manger un morceau au Noodles du Bellagio. Le Noodles, comme son nom l'indique, est un bar à nouilles, généralement cuisinées au Wok -mais pas que: la carte y est tout de même plus fournie, l'accueil est de qualité. J'y vais au moins une fois chaque année; c'est Fougan et Pascal Perrault qui m'y avaient invité lors de mon tout premier séjour à Vegas, et j'ai plaisir à y retourner de temps en temps. Je prends un Beef Rice Noodles accompagné d'un coca light pour faire glisser tout ça.


Stéphanie, moi-même et Antonio, devant la salle High-Stakes slots du Bellagio

Antonio revient sur le main event, et sa déception de ne pas vraiment avoir eu sa chance: à chaque fois qu'il a monté des jetons, il a pris un set-up, et lors du day 3, il a pris trois set-ups de suite, avant d'être éliminé. De plus, nous sommes conscients du fait qu'il va être beaucoup plus difficile de se qualifier online désormais, car depuis l'ouverture du marché Français au jeu en ligne, le field est réduit à un vase clos. Fini, les satellites avec 200 places garanties.
En sortant du Bellagio, on passe rapidement par le Flamingo, avant de s'arrêter devant une table de craps du Bill's. Antonio est assez intrigué par le craps, et après mes maladroites explications -ma connaissance du craps est plus que limitée- nous sortons chacun $50 de notre poche, pour tenter le diable. Problème: le diable a gagné, nous laissant avec un goût de frustration dans la bouche, nos $50 s'étant évaporés en cinq minutes.

On sort du Bill's vers minuit, il est temps de se dire au revoir: Antonio et Stéphanie ont leur avion demain soir, et comptent bien profiter de leur dernière journée sur le sol américain.

De retour au Bally's, je jette un œil sur les divers coverages du main event: la journée a été une vrai boucherie. Sur les 570 joueurs qui ont pris place dans l'Amazon Room à midi, il n'en reste que 205, dont huit français. Cette information me laisse curieusement froid: pour la première fois depuis que je suis arrivé à Vegas, j'éprouve un désintérêt total pour le poker.

C'est sûr, il est plus que temps que je rentre.

1 commentaire:

  1. Très très bon post, j'ai adoré le rappel sur la croupière chinoise je l'avais oublié celle là lol Biz ma poule et à bientôt !!

    Jooles

    RépondreSupprimer