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mardi 13 juillet 2010

Chronique d'une mort annoncée

Convention Center du Rio, 14h30 (23h30 en France)

Le day 4 du main event des WSOP est engagé depuis deux heures et demie maintenant, et je me dirige vers la poker kitchen: j'ai la dalle, et les salades composées m'appellent.
Je me retrouve dans un couloir désert: ça y est, l'hémorragie a commencé. Le guichet d'enregistrement du Rio est fermé, et c'est sans doute la dernière fois que cet hôtel accueille les WSOP -une rumeur court, disant que le Planet Hollywood pourrait bien devenir le prochain temple des WSOP à partir de 2011. J'ai du mal à y croire, ne voyant pas précisément où l'on pourrait caser toutes ces tables de poker.

Le Rio se déleste peu à peu de ses joueurs, les couloirs se vident, et si l'agonie n'a pas encore vraiment commencé, cela ne saurait tarder, car l'hémorragie est violente: tous les éliminés du main event ont leur avion aujourd'hui ou demain, le Pavillon ne contient plus que du vide, la fête se termine. Cela laisse comme une impression de manque, de vide, qui nous fait dire: "Quoi? Tout ça pour ça? On se casse le cul à être présent chaque jour de 11h à minuit pour finalement se retrouver comme un con devant un couloir vide..."

Ma championne du monde préférée a été éliminée: Vanessa Hellebuyck a perdu son ultime coin-flip, 250 places avant de faire l'argent. Même si Julien Brahic, qualifié Poker770, est encore en course, le fait que Vanessa ait sauté ressemble à une fin en soi. Elle a gagné son premier bracelet lors du Ladies Event début juin, et quelques semaines plus tard, elle est éliminée au day 4 du main event. La boucle est bouclée pour les WSOP 2010, en ce qui me concerne.

Vanessa Hellebuyck, qui a remporté le Ladies Event des WSOP cette année

D'un autre côté, je suis plutôt content que cela se termine. Cela fait quelque jours que l'effet saturation de Las Vegas est présent en continu chez moi, et les quelques heures de sommeil et/ou les fiestas avec les potes qui suffisaient généralement à estomper cette saturation, sont désormais inopérants. Vivement que je rentre à la maison, je deviens imbuvable: j'ai passé mon temps à me plaindre ce matin...

Bubble Time

Il reste plein de français en course, heureusement, et les espoirs d'un deep run sont toujours vivaces, d'autant qu'un cap prépondérant sera franchi dans la journée: la bulle.
Il n'y a pas de place plus honnie dans le monde du poker que la bulle du main event: le dernier éliminé qui repart les poches vides est présenté à toute la poker-room et applaudi par tous les joueurs restants, qui sont soulagés que le sort soit tombé sur un autre.

Même s'il ne s'agit que d'argent, et pas de vie ou de mort, j'ai toujours considéré la bulle comme une mort virtuelle. On fait tout ce qu'on peut pour survivre pendant les longues journées de tournoi, utilisant toutes les armes à notre portée: les bonnes cartes, bien sûr, mais aussi la puissance d'un gros stack, la persuasion d'un trash-talk, la fatigue des autres, l'avantage de la position sur un joueur plus faible, la peur d'un adversaire qu'on tourne à notre avantage, la célébrité pour certains, tous les ingrédients d'un bon bluff... dans un seul et unique but: entrer dans les places payées, où on ne mourra plus tout à fait, puisqu'on aura touché un peu d'argent pour tous nos efforts.
Et là, c'est le drame: on saute à la place du con. Et tout le monde se lève pour vous applaudir, vous remerciant implicitement d'avoir accepté d'être le dernier à mourir sans contrepartie, leur évitant la honte suprême. J'ai rarement vu 747 personnes aimer unanimement une même personne, ni cette même personne haïr les 747 autres avec une telle intensité, même si ce moment est fugace, tout en faisant bonne figure.


Quand la bulle explose, les cris de joie aussi.... Crédit photo: Kinshu@clubpoker

Le moment où Jack Eiffel lancera dans le micro "Congratulations Guys, You're In The Money" sera incroyable, comme chaque année: 747 joueurs crieront leur joie à l'unisson, et une allégresse un peu folle envahira l'Amazon Room. Puis le jeu reprendra, et une centaine d'éliminations arriveront très vite: tous les petits tapis qui étaient en mode "Fort Knox" pendant la bulle vont se lâcher, avec l'effet que l'on connait.

Vers 19h00, alors qu'il ne reste que 4 joueurs à éliminer avant d'entrer dans la money-list, Jack Eiffel (Tournament Director) annonce qu'une pause de 90 minutes a été aménagée pour que le joueurs partent manger. Réaction immédiate et unanime des joueurs: Jack Eiffel se fait huer. Tout le monde aurait préféré que la bulle explose avant de quitter la poker-room, et il est vrai que les short-stacks risquent d'avoir des problèmes de digestion. Ceci dit, on sait que la bull peut durer très longtemps, et Jack Eiffel n'avait probablement pas envie d'envoyer les joueurs en pause-repas trop tard.

A peine une heure après avoir repris les jeu, la bulle éclate, et les joueurs laissent exploser leur joie: chacun prendra au minimum $19,603. Julien Brahic, dernier représentant de Poker770, est tout juste payé: il saute quelques minutes après être rentré dans l'argent.


Julien Brahic au moment où il apprend qu'il est dans l'argent

28 autres Français sont dans la money-list, ce qui est plus qu'honorable, dont certains qui me touchent personnellement, comme Fabrice Soulier, Jean-Paul Pasqualini, Antony Lellouche, Germain Gillard, Julien Lang Van... Le coverage se termine pour moi ce soir, je pense. j'ai envie de profiter des trois jours qui me restent pour me balader un peu, notamment à Fremont Street où je n'ai pas encore eu l'occasion d'aller cette année. Je ferais un up-date en fin de journée sur le main event, n'ayant plus de joueurs Poker770 à couvrir.

Dans les jours qui viennent, l'agonie des WSOP 2010 va s'accélérer, jusqu'au le 17 juillet, où il ne restera plus qu'une poignée d'irréductibles qui regarderont la table finale se former. Le monde du poker devra ensuite retenir son souffle jusqu'en novembre pour connaître le vainqueur du main event 2010.

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